Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2015
Date de publication française : 2016 chez Hugo Romans
Genres : Roman post-apocalypse, Science-fiction
Personnage principal : Edgar Hill, 35 ans, mari et père de famille
Une collision terrestre avec des météorites se produit avec impacts multiples au Royaume-Uni. Le résultat est catastrophique : les villes sont détruites, les forêts sont brûlées, les fleuves sont sortis de leurs lits, les montagnes sont renversées. Partout c’est la désolation. La famille Hill, vivant en Écosse, a eu le temps de se réfugier dans la cave de sa maison. Les quatre membres de la famille resteront confinés là pendant deux semaines avant d’être secourus par l’armée. Plus tard alors qu’Edgar, le père, participait à une mission de ravitaillement, sa femme et ses deux enfants ont été emmenés par les Sauveurs, une étrange organisation mondiale qui s’est donné pour objectif d’évacuer l’Europe sinistrée. Ses bateaux partent des Cornouailles direction l’hémisphère sud moins touché que le nord. Pour retrouver sa famille Edgar va essayer de rejoindre le point de départ des bateaux. Il n’y a plus de moyens de transport, ni d’essence, le seul moyen d’y arriver c’est à pied, en marchant ou en courant. Il sera accompagné par six autres compagnons. La petite troupe va tenter de parcourir les huit cents kilomètres pour atteindre le port de départ, en trois semaines. Dans un pays totalement dévasté, le chemin est long et les dangers nombreux.
L’intrigue décrit une situation post-apocalyptique. Le monde tel qu’il existait est totalement détruit. Ceux qui ne sont pas morts essaient de survivre. De nouvelles organisations humaines remplacent les précédentes. Les Lapins ont pris possession des rues dévastées. Ceux qu’on a ainsi surnommés ce sont des groupes organisés qui vivent dans les décombres, les terriers, à la recherche de nourriture ou de carburant. Ils sont armés et agressifs. Ils représentent un danger permanent dans les villes. Jenny Rae, elle, a organisé tout un secteur de la ville qu’elle contrôle d’une main de fer. En échange d’un logement et de la nourriture les gens sous sa coupe doivent travailler pour elle et lui être totalement soumis. Dans son quartier les choses semblent s’améliorer, on y trouve un signe indéniable du retour à notre belle civilisation : un fastfood. On peut y déguster le curry de mouette. Beurk ! Quant aux puissants Sauveurs, aux couleurs jaunes, on ne sait pas trop qui ils sont ni quels sont leurs objectifs. Pour l’instant ils portent secours aux naufragés mais ils sont autant inquiétants que réconfortants.
Le roman offre également une belle palette de personnages. Edgar, le narrateur, est un mari, père de famille tout ce qu’il y a d’ordinaire. Il est désenchanté, en surpoids, il picole et sait développer toutes sortes de stratégies pour en faire le moins possible dans son foyer. Sous prétexte que, lui, il travaille, qu’il a besoin de se détendre, il laisse à son épouse l’entière charge des tâches ménagères et des enfants. Il en a tellement marre de sa vie que la fin du monde est venue comme un soulagement. Et effectivement on peut considérer que l’événement sera bénéfique pour sa personnalité. Ce sera sa rédemption. Bien d’autres personnages pittoresques apparaissent au fil du périple à travers la Grande-Bretagne.
Le livre est épais (558 pages), dense et captivant. Il ne faut pas ergoter sur la vraisemblance. Le genre (science-fiction et post-apocalypse) est basé sur l’imagination pas sur la crédibilité des faits. Et question imagination, on est bien servi dans ce roman ! Certes quelques fils de l’intrigue restent en l’air, notamment tout ce qui concerne les Sauveurs. Peut être pour laisser la porte ouverte à une éventuelle suite.
À noter également de nombreuses digressions intéressantes sur des sujets variés : les croyances, la vie en couple, la famille, l’exercice physique, le retour à la nature, le progrès…
Cependant on peut s’étonner que la version traduite en français ait conservé un titre aussi long que sibyllin : The End of the World Running Club. Pourquoi avoir tout traduit sauf le titre ? Peut être à cause de la difficulté à trouver un équivalent français convaincant ? En général les éditeurs français ne sont sont pas si pointilleux, ils n’hésitent pas à changer complètement de titre s’ils le jugent plus vendeur. Ici le risque, pour les lecteurs francophones, est partagé entre mal comprendre et ne pas comprendre du tout. Les coureurs de la fin du monde m’aurait paru mieux adapté à la traduction française, tout en conservant le côté énigmatique.
Malgré ce titre, c’est un excellent roman, rythmé et haletant.
Adrian J. Walker est né en Australie, dans le bush autour de Sydney, et a grandi en Angleterre où il vit toujours. The End of the World Running Club est son premier livre traduit en français.
Extrait :
Cette autre bête en vous, celle qu’on voit rarement ? Vous la tenez en laisse. Elle attend, elle observe, pendant que vous gâchez votre vie, que vous remplissez votre corps de poison et embrouillez votre esprit d’inquiétudes. Chez certains, il ne faut qu’un appel pour la libérer. Pour d’autres, il faut huit cents kilomètres de martyre.
Mais la mienne était libre à présent. Pour la première fois depuis mon enfance, elle courait en montrant les dents tel un loup traversant un champ de fougères éclairé par la lune. La douleur courait à côté de moi, comme une sœur, magnifique, souriant du même sourire. Je serai toujours là, disait-elle.Toujours, mais maintenant nous sommes amis.
Rupert avait rapporté un gramophone d’un autre âge, et passait en revue son épaisse collection de disques vinyles. The Lark Ascending de Vaughan Williams résonnait dans la pièce, et mon regard un peu trouble devinait vaguement la silhouette de Grimes dansant avec Richard.
Vaughan Williams – The Lark Ascending