Opération Napoléon – Arnaldur Indridason

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 1999 (Napóleonsskjölin)
Date de publication française : 2015 (Métaillié)
Genres : Aventures, espionnage
Personnages principaux : Kristin, islandaise – Ratoff, tortionnaire

J’ai aimé les premiers romans d’Indridason et le dépaysement islandais. Puis, le ténébreux Erlendur a engendré chez moi une déprime difficilement supportable : histoires grises, Islande grisâtre, personnages gris sombres. Comme on m’a assuré que ce nouveau roman n’avait rien à voir avec les précédents, je m’y suis lancé. Et c’est vrai : on dirait un Alistair MacLean (Les canons de Navarone et, surtout eu égard au roman dont je parle aujourd’hui, Destination Zebra, station polaire). Ça n’a sans doute pas le panache, l’intensité, ni la force des personnages (surtout quand on se réfère aux acteurs des films, Gregory Peck, Antony Quinn, David Niven, Irene Papas…), mais c’est bien fait, habilement composé (surprises et rebondissements), et mené avec un sens du jeu habituellement absent des récits dramatiques d’Indridason. En ce sens, je salue les deux derniers mots du roman, qu’il ne faut surtout pas aller voir : notre plaisir en souffrirait.

1945 : la guerre achève. Un avion s’écrase en Islande, près de la calotte glaciaire, au sud du glacier Vatnajökull. La tempête fait rage. Deux cent soldats américains patrouillent la région en vain. L’avion avait été recouvert de neige et avalé par le glacier. On ne retrouve que la jante du train avant, sur laquelle est inscrit le mot allemand : Kruppstahl. En 1967, une autre expédition américaine fouillera le glacier, sans plus de résultat. Plus tard, la technologie s’étant améliorée, des satellites donneront l’impression qu’une masse suspecte est perceptible sur le glacier Vatnajökull. En 1999, les troupes américains reviendront en Islande, paralyseront les communications, conteront des salades aux autorités islandaises, interdiront la circulation dans un vaste territoire, reprendront les fouilles et, enfin, entreprendront la lourde tâche d’extirper l’avion de la glace. Finiront-ils par découvrir les secrets de l’Opération Napoléon ? C’est ici que notre récit commence vraiment.

Alors qu’une patrouille islandaise de sauvetage se livre à des manœuvres d’entraînement hivernales aux alentours du glacier, deux jeunes patrouilleurs, Elias et Johann, s’éloignent des autres pour tester leur nouveau système de communication longue distance NMT. Pour ce faire, Elias communique avec sa sœur Kristin, à Reykjavik. La conversation est brouillée, mais Kristin perçoit la bonne humeur d’Elias, puis son inquiétude, enfin une certaine panique, associée à des mots comme lumières, avion, soldats armés…

Les deux jeunes gens seront bientôt portés disparus et, comme la Delta Force dirigée par « le cinglé de Ratoff » (dixit le ministre de la Défense) craint qu’Elias n’ait dévoilé à sa sœur des informations sur ses opérations, la sécurité de Kristin sera désormais menacée. D’ailleurs, sa vie aussi, et deux sbires des services très secrets américains, Ripley et Bateman, s’efforcent de l’éliminer. Sauf que Kristin, obsédée par la santé de son frère et trop naïve pour pouvoir mesurer la force de la partie adverse, élabore une contre attaque du genre suicidaire avec son ancien copain Steve, un militaire qui travaille sur la base américaine aéronavale de Keflavik. Et c’est ainsi que, morceau par morceau, Kristin en apprendra de plus en plus sur cette fameuse et fumeuse Opération Napoléon. Ce n’est pourtant pas une Lisbeth Salander : si elle finit par s’en tirer à peu près, ce sera moins à cause de son intelligence qu’à cause d’un entêtement viscéral guidé par de beaux hasards.

Ceci dit, son aventure est prenante, et l’auteur manipule les circonstances avec beaucoup d’adresse. Cette Opération Napoléon finit aussi par nous obséder et, si on nous en livre des fragments avec parcimonie, c’est pour nous ménager un finale quasi hallucinant.

Bref, malgré quelques longueurs pour susciter notre impatience, c’est, à mon humble avis, un des meilleurs romans d’Indridason.

Extrait :
Julius vit les soldats approcher, les puissants phares de leurs motoneiges illuminant la nuit. Ils étaient une vingtaine, visages dissimulés sous leurs casques et leurs masques de ski, fusil accroché dans le dos. Au bout d’une minute, ils s’immobilisèrent à l’unisson et attendirent l’équipe de sauveteurs, comme s’ils avaient tracé une ligne invisible qu’ils étaient bien décidés à défendre. L’équipe de Julius se composait de quelque soixante-dix hommes et femmes qui progressaient à ski, en motoneige et à bord de deux autoneiges. À l’approche des soldats, Julius leur fit signe de ralentir, et ils finirent par s’arrêter à dix mètres à peine de l’escadron. C’était une rencontre improbable dans cette immensité glacée, obscure : les soldats avec leurs armes automatiques et leurs revolvers, engoncés dans leurs tenues de camouflage polaires, uniformes hivernaux de soldats désirant passer inaperçus, et, face à eux, les sauveteurs islandais sans armes, dont les vestes orange fluo rappelaient, par contraste, la nécessité pour eux d’être visibles pour remplir leur mission.

Glacier islandais

Ma note : 4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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