Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2017 (Leméac)
Genre : Enquête
Personnage principal : Lara McCoy, agente secrète (CIA)
J’ai bien aimé les deux derniers Draper, surtout L’Invité. Son héros habituel, Réal Beauregard, n’est pas commun : c’est un tueur au cœur tendre. Cette fois-ci, cependant, Draper nous présente une nouvelle figure : Lara McCoy, agente secrète free lance, mais souvent à la solde de la CIA contre les trafiquants mexicains, capable de tuer à mains nues, jolie, peu farouche, mais qui a l’esprit ailleurs. Canadienne-française par sa mère.
En vacances de récupération dans une île perdue de la Thaïlande, Koh Chang, Lara rencontre Yaowapa, jolie jeune femme responsable de l’agence de voyages où elle était entrée. Parle, parle, jase, jase, Lara apprend que Yao a un frère, Lek, qui réussit tout ce qu’il entreprend, ce qui est facilité par le fait que leur père est un riche banquier. Or, Lara rêve justement d’ouvrir un petit restaurant…
Pong, la jeune sœur de Yao, journaliste au Bangkok Post, qui enquêtait sur la mafia thaïlandaise, est cependant brutalement tuée, le bas du corps broyé par un énorme crocodile. Lara interrompt donc ses rêves et se lance avec Lek à la poursuite vengeresse des mafieux qui ont commandé ce crime.
Draper nous entraîne alors dans les rues mal famées de Bangkok, qu’il connaît bien, où de bars en bordels, de danseuses en ladyboys (transsexuelles ou travesties), Lek et Lara recueillent des informations qui devraient les mener au cœur de la société du Lotus Vert, une triade redoutable où règne l’obèse cruel surnommé « le 489 ».
La dernière fois, avec Le Tsar de Peshawar de Bolduc, nous avions affaire à un polar historique qui nous rappelait une petite histoire du Pakistan et de l’Afghanistan de 1980 à nos jours; aujourd’hui, il s’agit plutôt d’un polar géographique, qui nous familiarise avec quelques beaux paysages de la Thaïlande, mais surtout avec les quartiers sordides de Bangkok où les fantaisies libidinales battent leur plein (si je puis dire). On en apprend pas mal sur les habitudes de vie des Thaïlandais, leurs habitudes alimentaires, le fonctionnement des réseaux policiers, leurs liens avec les mafias et les classes dominantes, les trafics de drogues et de jeunes enfants.
Malgré les noms étranges des personnages, la lecture est simple et la composition facile : beaucoup de dialogues et d’introspections de Lara, qui raconte l’histoire, déroulement linéaire sans trop de surprises. On ne s’en fait pas pour les principaux personnages, donc le lecteur reste un peu en retrait : pas vraiment un thriller ou un suspense; plutôt un conte, une bonne histoire. Et j’ai trouvé Lara moins attachante que Réal Beauregard. Par contre, le rebondissement du dernier chapitre est très réussi et diablement prometteur.
Extrait :
J’appuie une oreille contre la porte pour tenter de percevoir un signe de vie de l’autre côté. Rien. Même pas un peu de musique. Je tente de déceler sous la porte une lueur qui témoignerait d’une présence quelconque. Rien non plus. Finalement, j’introduis doucement la clé dans la poignée et, appuyant tout mon corps contre la porte, l’ouvre lentement. Le doigt sur la détente du Glock, je me glisse à l’intérieur en position accroupie. Une lampe de chevet est allumée et, sur mon lit défait, se trouve une femme nue que je n’ai aucun mal à reconnaître puisqu’il s’agit de Dim, la beauté du Hollywood Bar que j’ai quittée en début de soirée pour revenir ici avant d’aller honorer mon rendez-vous avec Nok. Sur l’une des tables de nuit se trouve un seau contenant une bouteille de champagne. J’abaisse le Glock et elle sourit.
− Sais-tu que tu es plutôt mignonne, Martha, quand tu te prépares à tuer une femme ?
− Je ne tue pas les femmes ni les hommes, sauf si la preuve est faite que ce sont des ordures de la pire espèce. Pour le moment, rien ne me prouve que tu en es une. Même si tu es entrée sans mon autorisation dans ma chambre.
Ma note : (3,4 / 5)