Mort d’un expert – P.D. James

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 1977 (Death of an expert witness)
Date de publication française : 1989 (Arthème Fayard)
Genre : enquête classique
Personnage principal : commandant Adam Dalgliesh

Je garde dans un coin de ma bibliothèque quelques vieux polars d’auteurs que j’aime bien pour, j’imagine, mes moments de déprime. C’est le cas de Mort d’un expert de P.D. James.

Le roman démarre sur une scène de crime. Occasion de nous présenter quelques personnages importants de l’histoire et surtout de faire sentir l’atmosphère de ce village un peu perdu des Fens, région marécageuse du sud-est de l’Angleterre. Manière aussi de nous introduire au Laboratoire de médecine légale Hoggatt, entreprise privée qui entretient des liens étroits avec le service de police, dirigée par le Dr Howarth, personnalité estimée en haut lieu.

Le lendemain, le Dr Lorrimer, un des spécialistes du Laboratoire, détesté par plusieurs à cause de son mauvais caractère, de son orgueil et de son arrogance, est trouvé mort, dans une flaque de sang. Toutes les portes de son bureau sont fermées, mais ce ne peut pas être un suicide. À cause de l’importance du personnage et de l’aspect mystérieux du meurtre, style chambre close, le commandant Adam Dalgliesh est désigné pour mener l’enquête. Détendu mais persévérant, Dalgliesh mettra à jour une vie souterraine pleine de rancœurs et de secrets inavouables.

La structure du roman est classique, et on pensera spontanément à Agatha Christie : présentation des personnages dans leur activité familiale ou professionnelle, entrevue systématique avec chacun d’entre eux, analyse des indices et confrontation des points de vue, vérification des alibis. Une des forces de James, c’est de camper un personnage en deux phrases. Puis, loin de s’attarder sur l’étalage des sentiments, elle décrit plutôt des gestes et des actes que le lecteur interprétera sans trop de mal. La progression est rigoureuse et le lecteur attentif croira avoir des chances de découvrir l’assassin en même temps que l’enquêteur, qui ne nous confie pas toutes ses déductions avant le dénouement ultime.

Les références culturelles (Dalgliesh est poète dans ses temps libres) apportent au roman une dimension supplémentaire : le plaisir littéraire qu’on éprouve dépasse le pur et simple plaisir de se divertir.

Les plus jeunes trouveront peut-être l’ensemble un peu vieillot, mais cet aspect ne nous empêche pas de nous délecter de Jane Austen, Edgar Poe ou Oscar Wilde. Même si les personnages sont présentés en grappes (3 ou 4 de la même famille, du même bureau, du même travail…), il y en a beaucoup, et ce n’est peut-être pas inutile de prendre des notes ou de dessiner quelques schémas, car c’est un roman qu’il ne faut pas lire à la va-vite : certaines expériences plaisantes nécessitent qu’on y mette du temps.

Extrait :
Elle vit immédiatement le corps. Il était étendu entre les deux grandes tables centrales, visage contre le sol, la main gauche crispée, le bras droit presque entièrement sous lui. Elle émit un étrange petit bruit, moitié cri, moitié gémissement, et s’agenouilla à côté de lui. Au-dessus de l’oreille gauche, les cheveux étaient hérissés et collés comme les poils de son chat lorsqu’elle le lavait, mais la chevelure était trop sombre pour qu’elle pût voir le sang. Pourtant, elle savait que c’était du sang. Déjà, il avait noirci sur le col de la blouse, et, par terre, une petite flaque s’était coagulée. L’œil gauche seul se voyait, fixe, terne et rétracté comme celui d’un veau mort. Elle posa la main sur la joue. Elle était glacée. Mais elle avait compris qu’il était mort dès qu’elle avait vu l’œil vitreux.
Elle ne garda aucun souvenir d’avoir fermé la porte et d’avoir descendu les escaliers. L’inspecteur Blakelock se trouvait toujours derrière le comptoir, rigide comme une statue, tenant d’une main le récepteur téléphonique. En voyant sa tête, elle le trouva si drôle qu’elle aurait voulu rire. Elle essaya de parler, mais les mots refusaient de sortir. Incapable de se ressaisir, elle se mit à claquer des dents. Elle fit un geste incohérent. De son côté, il lui dit quelque chose qu’elle ne comprit pas, puis il posa le récepteur sur le comptoir et monta en courant au premier étage.

Les Fens

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

Ce contenu a été publié dans Britannique, Enquête, Remarquable, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.