Hôtel du Grand Cerf – Franz Bartelt

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2017 (Seuil)
Genre :
Enquête
Personnages principaux : Vertigo Kulbertus, inspecteur de police – Nicolas Tèque, journaliste

Rosa Gulingen s’est noyée dans sa baignoire. C’était une star de cinéma dans les années 1960. Le cinéaste Charles Raviotini prépare un reportage sur elle. Bien que la police ait conclu à un accident, il pense qu’elle a été assassinée. Il demande à son ami, le journaliste Nicolas Tèque, de se rendre à Reugny, un village des Ardennes sur la frontière franco-belge, pour enquêter sur la mort de l’actrice afin de rassembler les éléments nécessaires au film. À Reugny tout était calme. Une série d’événements dramatiques va sortir la bourgade de sa tranquillité : un ancien douanier va se faire sauvagement assassiner, la fille de la patronne de l’hôtel le Grand Cerf va disparaître, l’idiot du village va être tué et ce n’est pas fini ! L’inspecteur de police Vertigo Kulbertus est envoyé sur place pour essayer d’y voir clair. Les deux enquêtes sur des événements éloignés de quarante n’ont, en principe, rien à voir mais en réalité …

Le roman s’appuie sur une intrigue se déroulant sur une semaine. Elle est complexe : des événements passés et présents s’imbriquent et de multiples personnages sont concernés. C’est toute la vie d’un village qui est décortiquée. Deux enquêtes sont menées simultanément : une classique, celle de Nocolas Tèque, avec interviews et témoignages, elle concerne la mort de Rosa Gulingen et une autre, celle du policier Kulbertus, dirigée avec la délicatesse d’un bulldozer, sur les assassinats récents. Quelques petits et grands secrets sont dévoilés. Le cynisme, la lâcheté et les petits arrangements se cachent sous les apparences d’une vie paisible.

Les personnages sont en effet nombreux mais c’est le policier Vertigo Kulbertus qui tient une place prépondérante. Il est à quinze jours de la retraite quand démarre sa dernière mission. C’est un obèse qui suit un régime spécial à base de frites, boulettes de viande, cervelas, fricadelles, steaks et litres de bière. Il ne cesse de grossir. Il a des méthodes d’investigations extravagantes qui déstabilisent tout le monde. Mais c’est un futé, un malin qui, sous une apparence grossière, possède un sens de l’observation aigu et un esprit de déduction remarquable. Ses interventions, ses interrogatoires, ne font pas dans la finesse et la subtilité mais ils sont diablement efficaces.

Ce qui est remarquable c’est l’écriture bien particulière de Franz Batelt. Elle allie un comique burlesque et un humour subtil qui fait que le lecteur se départit rarement du sourire tout le long de la lecture. Le style est alerte, léger, vif. Un régal ! L’épilogue, totalement immoral, peut choquer quelques bien-pensants mais fait bien rire quand même.

On ne s’ennuie pas une minute dans Hôtel du Grand Cerf. Un excellent roman, parfois cruel, toujours drôle et très bien écrit.

Extrait :
« Ma méthode, avait expliqué le policier, c’est de ne pas avoir de méthode. Ce que je veux, c’est mettre ce village sens dessus dessous. Que personne n’y comprenne plus rien. Qu’on ne sache plus qui cherche qui, qui a tué, qui n’a pas tué. Je mets tout le monde dans le même sac. Je crée la panique. J’installe la folie dans le pays. En trois jours, j’ai réussi à semer la pagaille dans les esprits. Ils me prennent pour un dingue. Mais quelque chose en eux les somme de se méfier de moi. Je devine qu’ils essaient de me rouler, mais je leur rends coup pour coup, je me venge, je leur fais payer leur peu d’empressement à faire éclater la vérité. Parce qu’ils savent qui a tué Rousselet. Ils le savent. Et ils savent pourquoi. Alors, je fiche un coup de pied dans la fourmilière, je piétine le bon sens, la logique, la politesse. J’abuse des pouvoirs qui me sont conférés. À la fin, il sortira bien une vérité de ce sac de nœuds. En tant que puriste, j’aurais préféré que cette vérité sorte du puits. La vérité qui sort du puits est moins sale que celle qui s’échappe d’un sac de nœuds. Mais à douze jours de la retraite, je n’ai pas le temps de fignoler. »

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5) 

 

 

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