À qui la faute ? – Chrystine Brouillet

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2017 (Druide)
Genres : Enquête, Thriller
Personnage principal : Maud Graham

Pourtant encore jeune, Chrystine Brouillet est indiscutablement la doyenne des romancières de polars au Québec. Plus d’une cinquantaine ! Les amateurs de polars connaissent tous sa policière Maud Graham, avec qui on arpente les rues de la ville de Québec, magnifiques ou ténébreuses. Ce dernier roman m’a conquis totalement, même si j’y suis entré avec l’impression de marcher sur des œufs : Brouillet prend son temps, en effet, pour mettre en scène une dizaine de personnages regroupés en quatre couples, ados compris. Cette présentation est si habile que ma crainte était que Brouillet se contente d’écrire un vrai roman, sérieux et psychologiquement subtil, et que la trame policière soit négligée. Les cent premières pages me faisaient penser aux descriptions brillantes de la petite bourgeoisie américaine qu’on peut trouver, par exemple, dans Couples de John Updike.

Heureusement pour nous, un beau meurtre va inciter Graham à brasser la cage et à dévoiler le dessous des cartes, peu reluisant. Qui a tué Cristelle, cette mégère insupportable, qui veut tout dominer, incapable de séduire son entourage comme elle le faisait dans le temps qu’elle était jeune, belle et charmante ? Son mari, David, qui va être nommé juge s’il n’est pas éclaboussé par les scandales éventuels de son épouse qui lui est devenue intolérable ? Son voisin, Ian, sur qui elle détient des secrets qui lui permettent de le manipuler ? Jean-René Frappier, le père d’Étienne, un ami de son fils Lucas, qu’elle aurait frappé sous prétexte qu’il avait nargué son fils ? Ou Nathalie, dont le fils Simon a aussi été apostrophé par Cristelle, qu’elle veut poursuivre en justice malgré que les autres parents refusent de la suivre jusque là, bien qu’ils ne haïssent pas moins la mère de Lucas?

En fait, le lecteur sait qui est l’assassin, connaît le motif et s’attend à deux autres meurtres. Comme dans un Columbo, le problème est de savoir comment Graham parviendra à le découvrir et si elle mettra fin à la série qui s’annonce.

Sous la thématique générale de la responsabilité partagée entre les ados et les parents, c’est ce jeu du chat et de la souris qui nourrit le thriller. Une fois que les personnages ont été mis en place, l’action se déroule inéluctablement, et le lecteur peut difficilement s’arrêter en chemin. D’autres situations dramatiques s’entremêlent à la trame principale et accentuent l’Intérêt et l’angoisse : est-ce que le jeune Jérôme a été blessé volontairement par Jason ? Qu’adviendra-t-il de la relation entre Jean-René et Mary, l’épouse de Ian ? Comment Frappier et son épouse se remettront-ils du drame qui les frappe ? Loin de nous éloigner de l’intrigue principale, ces relations de couples sont aussi construites comme des problèmes qui constituent les dimensions propres à cette intrigue.

Nous ne regarderons plus nos voisins de la même façon.

Extrait :
Cristelle Bouchard regardait Lucas s’éloigner vers le collège. Il lui avait demandé de le déposer au coin de la rue plutôt qu’en face de l’établissement comme elle le faisait chaque matin. Elle avait été si surprise par cette requête qu’elle n’avait pas protesté, mais elle sentait maintenant la rage l’envahir : est-ce que son propre fils allait se détourner d’elle ? Comme Mylène qui avait décidé de prendre l’autobus pour aller au collège, qui ne lui avait pas adressé un seul mot depuis des jours malgré les remontrances de David qui lui répétait qu’elle devait manifester plus de respect à sa mère. Des paroles. Encore des paroles. Toujours des paroles. L’éternel blabla de David. Éternel et inutile puisqu’aucune sanction n’accompagnait ses sermons. Mylène l’écoutait, hochait la tête, mais continuait à l’ignorer. Combien de temps durerait ce manège ? Et qu’imaginait-elle obtenir en agissant ainsi ? Croyait-elle qu’elle dicterait sa loi à la maison ? Que sa mère plierait devant ses caprices d’adolescente ? Encore heureux que Mylène n’ait pas été présente lorsque les policières avaient sonné chez eux.

Niveau de satisfaction : 
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

 

 

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