Par Marielle Pondevy Moënne-Loccoz
Date de publication originale : 2017 (Métailié)
Genre : Roman noir atypique
Personnage principal : Patience, veuve Portefeux (La Daronne)
Si vous examinez consciencieusement la couverture de La Daronne vous vous rendrez compte que c’est Hannelore Cayre qui pose au milieu de deux sacs Tati. Son expérience du milieu judiciaire (elle est avocate pénaliste) transparaît au fil des pages, dans ce roman. La Daronne nous propose une immersion au sein du milieu des interprètes judiciaires, des écoutes des stups, de la magistrature… Mais il nous offre bien plus que ça. Ce Polar tente de répondre à des questions sociologiques préoccupantes sur la place de nos aînés, la fin de la vie, et le rôle de l’argent comme moteur de nos actions. Tout cela, avec un ton sarcastique et humoristique, une bonne dose de noir très noir et des anecdotes qui semblent si vraisemblables qu’on est en doit de s’interroger sur le bon fonctionnement de notre machine judiciaire.
Le personnage central : Patience Portefeux, cette petite Madame, comme Hannelore Cayre l’a décrite elle-même semble éminemment familière : elle est confrontée au même soucis que bon nombre d’entre nous et tente de faire face à sa manière singulière. Il y aura bien quelques victimes collatérales mais qu’aurions nous fait à sa place ???
Patience est née dans une famille où l’argent, gagné principalement de façon malhonnête, occupe une place prépondérante. Mais quand elle devient veuve Portefeux avec deux filles en bas âge, elle se voit contrainte de travailler énormément pour assurer la survie de ses proches. Interprète Franco-arabe non déclarée pour le Ministère de la justice, elle enchaîne les heures et progresse en raison de sa nationalité française, à un moment où tout Arabe est considéré comme un potentiel terroriste. Elle traduit de son domicile les écoutes de la Brigade des stups et tombe accidentellement sur des informations relatives à un trafic de résine marocaine. Patience Portefeux doit, dans ce même temps, gérer la dégradation de l’état de santé de sa mère placée dans une EPHAD.
Les événements s’enchaînent très rapidement, Patience, qui a, jusqu’alors, servi la justice à temps complet, se retrouve grâce à son chien ADN, en possession d’une importante cargaison de cannabis. Elle se crée alors un personnage : La Daronne… et va incarner le rêve de sa mère : la Juive intrépide…
Ce Polar n’est pas qu’un roman de plus sur la drogue. C’est avant tout une incursion dans le milieu judiciaire. Et La Daronne, bien que le personnage central du roman, laisse la part belle à une multitude de personnages secondaires, furieusement attachants : les pensionnaires de l’EPHAD Les Éoliales, Madame Fò (la voisine chinoise de Patience), Philippe (son fiancé flic), Afid (un jeune trafiquant bien sous tout rapport…
En bref, un très bon moment de lecture pour moi en dépit d’une fin qui, seul bémol, ne m’a pas complètement convaincue !
Extrait :
Votre maman est une survivante des camps…
– Et après ?
– L’éthique nous commande de nous appuyer autant que nous le pouvons sur la volonté des malades même s’ils ne sont pas en état de la formuler expressément. Je pense que lorsque l’on a survécu à une épreuve pareille, renoncer à vivre paraît inenvisageable. J’aurais personnellement opté pour la sonde gastrique.
En semaine, leurs journées commencent vers quatorze heures et se terminent à trois heures du matin. Elles se résument à des va-et-vient en scooter ou en Smart entre leur point de réapprovisionnement et de deal et leur bureau sis au kebab du coin ou à la salle de sport.
Si j’avais à les filmer dans leurs activités, je mettrais en fond sonore What a worderful world de Louis Armstrong.
Louis Armstrong – What a Wonderful World
Niveau de satisfaction :
(4,5 / 5)