Par Marielle Pondevy Moënne-Loccoz
Date de publication originale : 2008 (spada)
Date de publication française : 2016 (Agullo)
Genres : roman noir, politique-fiction
Personnages principaux : Le Poignard, le Président, Ràdoulescou (ancien Président), les médias
Le roman débute par un dimanche d’été sur la place Obor, à Bucarest, où « La Mouche », un Rom doté d’un casier judiciaire, joue au Bonneteau afin de soulager les joueurs de leur argent. Peu de temps après, « La Mouche » est retrouvé égorgé par un poignard (Spada).
La situation s’aggrave rapidement lorsque 3 autres corps sont découverts, assassinés de la même façon et avec un profil identique : roms, avec un casier judiciaire. Et cette série de crimes devient rapidement difficile à gérer pour le Ministre de l’Intérieur, le Premier Ministre et le Président, dans une année préélectorale. La pression de l’Union Européenne et des instances étrangères influent également sur la gestion de cette crise. Alors que les morts du Poignard continuent à s’amonceler, les médias, les différents partis politiques vont tenter de tirer avantage ou de diminuer l’impact de la situation, rendant chaque chapitre un peu plus glauque, sordide, et caustique.
Il faut dire que le Poignard est considéré soit comme un assassin, soit comme un héros national : car il s’attaque à des roms avec des casiers judiciaires. Oui, mais les Roms représentent environ 2 millions de voix… Alors, de décisions politiques en actes idiots, de communiqués de presse en corruption de journalistes, les faits vont s’enchaîner et se déformer de façon caricaturale.
Le génie de Bogdan Teodorescu dans Spada consiste à dévoiler le côté sordide des affaires politique et médiatique roumaines sans jamais ennuyer le lecteur. Sous couvert d’une série de meurtres au poignard (Spada), il se livre à une enquête sociologique de grande envergure. Les crimes ne constituent qu’un prétexte pour évoquer le fonctionnement corrompu et ubuesque d’un régime démocratique mais néanmoins sujet à de nombreuses dérives.
En dépit d’une multitude d’intervenants, de ministres, de journalistes, ce roman se lit aisément : sans doute, parce qu’il est vrai qu’à certains moments les discours extrémistes de Varlaam, qui dirige le Parti d’Union Nationale, ressemblent à ceux de certains de nos hommes (ou femmes) politiques français, et que d’autres similitudes apparaissent au fil des pages. Et puis, dans tout ce cirque médiatico-politique subsiste toujours une pointe d’humour : de nombreuses situations en deviennent d’ailleurs cocasses.
Ce roman ne s’adresse aucunement aux adeptes de la chasse aux serial-killers. En revanche, il constitue un bon outil pour comprendre les rouages et mécanismes du cercle politico-médiatique, et si ce Polar atypique est souvent noir, il contient néanmoins un second degré sarcastique par la cruauté et le réalisme des passes d’armes entre les différents intervenants.
Ici, le nerf de la guerre c’est le pouvoir. Et, pour une démocratie encore jeune, ce pouvoir permet à une minorité toutes les bassesses. Dans ce surprenant polar roumain, Bogdan Teodorescu manie avec délice l’humour, l’énergie du désespoir, pour nous présenter une politique-fiction avec un arrière goût de réalité.
Extrait :
Discussion entre le Premier Ministre et Càlin Sélarou (conseiller) :
– Et alors ?
– Nous analysons.
– Bon, mais que faisons-nous, tout de même ? Qu’est ce qu’on attend ?
– Ma proposition que j’ai transmise lors de la dernière réunion du Conseil Suprême de Défense de la Roumanie, il y a deux semaines, est que l’on change de ministre de l’Intérieur.
– Vous croyez qu’il est coupable ?
– Non, bien sûr ! Ce n’est quand même pas à lui d’arrêter l’assassin. Mais un nouveau ministre de l’Intérieur bénéficiera d’une période de grâce, et peut-être que dans l’intervalle l’assassin sera arrêté.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)
Hello ^^
Voilà encore un roman que j’aurais aimé lire et dont je n’ai pas trouvé le temps, ou alors, j’en ai trop à lire et je ne sais plus quels sont les romans que j’avais coché dans les priorités… Trop, sans aucun doute 😀
C’est dommage car Spada vaut vraiment le détour !
Bogdan Teodorescu va sortir son prochain roman aux éditions Agullo en février : alors profitez de cette fin d’année pour faire connaissance avec lui avant …