Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2017 (Rivages)
Genres : Roman noir, écologique
Personnages principaux : Boris, expert environnemental – Alexis, négociant en arbres
Sur la côte océane bordée de dunes, un homme a fait construire une grande villa. Ce doit être quelqu’un de puissant pour avoir obtenu les autorisations nécessaires. D’autant plus qu’il ne s’est pas contenté de poser l’habitation dans un endroit protégé, il aussi fait araser la dune pour dégager la vue sur l’océan. Dans cette région, une autre atteinte à la nature se profile : le projet d’implantation d’un centre de stockage de matières dangereuses. Bien sûr, il y a des opposants à ce projet. Ils vont s’organiser autour d’une Zone À Défendre (ZAD). Un meneur zadiste a découvert ce qui va contrarier le programme : la présence de la cordulie, une libellule protégée. Une bataille d’experts se profile : expert de ceux qui sont favorables au projet contre expert des opposants. Dans ce cas, un expert va contre-expertiser l’expertise de l’expert adverse.
Dans les deux camps qui se font face, Boris est l’expert des méchants, ceux qui polluent. Il n’a pas une position facile. Il est hébergé par des amis écologistes, opposants à l’implantation du centre de stockage. D’autre part un oncle bizarre va l’entraîner, bien malgré lui, dans une croisade vengeresse.
Dans la villa sur la dune, Alexis, négociant en arbres, arrive pour aider Raphaël, son ami, confronté à un grave problème dont il n’a pas connaissance. Mais Raphaël l’a demandé, alors il vient, intrigué mais fidèle en amitié.
C’est autour de ces deux personnages que l’auteur a bâti son récit. Ils prennent tour à tour la parole pour décrire le déroulement des événements. Il y a deux histoires que se déroulent en parallèle : la ZAD et le centre de stockage, raconté par Boris d’une part et ce qui se passe dans la villa sur la dune, raconté par Alexis d’autre part. Dans ce genre de trame, en général les deux épisodes finissent par se rencontrer. Et bien, ce n’est pas le cas ici, ou si peu. Il semblerait que l’auteur n’ait pas réussi à fusionner les deux parties en une seule histoire finale cohérente. Les bons ingrédients du départ ne se sont pas fondus ensemble pour donner le plat savoureux qu’on pouvait attendre. On sent l’auteur plus motivé pour montrer la beauté de la nature et les dégâts que l’homme lui inflige qu’à peaufiner une belle intrigue.
Les personnages principaux eux-mêmes ne sont pas totalement convaincants : des cyniques mais avec un reste de conscience qui les rends capables de bonnes actions. Des mi-salauds : pas totalement détestables ni complètement sympathiques. Finalement c’est un personnage secondaire, le tonton vengeur, qu’on finit par apprécier le plus.
Quant à la partie finale, elle m’a laissé dubitatif. Surtout concernant le personnage d’Alexis. Comment quelqu’un qui vient de vivre un tel événement, disons aussi traumatisant pour ne rien divulguer, peut-il s’en retourner aussi tranquillement à ses coupes d’arbres ? Les affaires reprennent. Voilà c’est fini ! Il me semble qu’un auteur avec le talent de Pascal Dessaint aurait pu nous concocter une conclusion plus élaborée.
Pascal Dessaint a une formation de naturaliste et d’ornithologue, cela se voit. Personne ne sait décrire les animaux, les oiseaux et les insectes comme lui. Il ne perd pas une occasion de nous montrer les chevaliers gambettes, les gravelots, les barges rousses, les pluviers argentés, les courlis cendrés et autres. Le romancier, défenseur convaincu et convainquant de la nature, se double d’un savant en la matière. En plus des atteintes à la nature, Dessaint évoque aussi les atteintes portées à l’homme par ceux qui, sans le moindre scrupule, ferment les usines jetant ainsi dans la misère des centaines de personnes. Une ambiance lourde et inquiétante imprègne le roman. Des menaces sourdes pèsent sur les hommes et sur la nature. C’est l’aspect de ce roman le mieux réussi.
Un homme doit mourir est un roman intéressant par la description érudite de la nature et l’évocation des problèmes liés à la délocalisation des usines. Le message écologique et social c’est bien, le faire passer dans une intrigue bien construite avec des personnages crédibles c’est encore mieux.
Extrait :
La côte n’était plus sauvage sur toute la ligne. Un homme avait commis ce qui était probablement un crime. Il avait posé comme au hasard une construction aux formes prétentieuses, d’inspiration futuriste. Il ne s’était pas contenté de gâter ainsi l’endroit, il avait fini de le défigurer en arasant la dune qui le gênait pour voir la mer. Clément scrutait l’habitation qui à vol d’oiseau se trouvait peut-être à deux kilomètres, une distance qui permet d’espionner les gens en toute tranquillité, surtout lorsqu’on est pourvu d’une bonne paire de jumelles.
– Tu as vu ce qu’il a osé faire ? Ça ne te dérange pas ? J’avais compris la finalité de notre excursion dans les bois, aussi j’ai répondu :
– Est-ce que pour autant il mérite de mourir ?
– Tu es bien compréhensif… Mais j’oubliais la nature réelle de ton boulot… C’est pas de constituer des dossiers? Afin que de grandes entreprises de travaux publics saccagent des paysages en toute impunité ?
Niveau de satisfaction :
(3,5 / 5)