Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2018 (Gallimard)
Genre : roman noir
Personnage principal : Camille Destroit, responsable du rayon frais de l’hypermarché Écobioplus de Cassel
Camille Destroit, responsable du rayon frais de l’hypermarché Écobioplus de Cassel, sympathisait avec les zadistes qui s’opposaient à l’implantation de la plateforme multimodale de Zavenghem. Il les approvisionnait en produits frais et il récupérait pour eux divers matériaux qu’il entreposait dans un hangar jouxtant sa ferme. La routine quotidienne change lorsque le tribunal administratif annule le projet. Les zadistes crient victoire … trop tôt. Les jours suivants la ZAD est évacuée manu militari et Camille est arrêté et placé en garde à vue. Relâché, il n’a que le temps d’apprendre qu’il est licencié et de voir, en rentrant à sa ferme, que son hangar-entrepôt est réduit à un tas de cendres. Et pour clore la série des désagréments, il se fait assommer par des nervis venus en découdre avec les zadistes. Il se rapproche alors des zadistes restés sur place. Quelques uns viennent s’installer dans sa ferme, notamment la jeune et belle Claire avec qui il va nouer une relation particulière. Mais Claire, malgré sa jeunesse, a un passé lourd qui va pousser Camille dans des actions insensées.
L’histoire est racontée à la première personne du singulier par le personnage principal, Camille. Celui-ci est un curieux mélange de détermination et de détachement. La relation qu’il entretient avec Claire, est aussi ambiguë : c’est un peu plus que de l’amitié, sans vraiment être de l’amour. Ils ne sont pas amants mais se conduisent comme s’ils l’étaient. Camille est un sympathisant zadiste sans vraiment être lui-même engagé dans la lutte. C’est un cynique désespéré capable d’actions d’éclat. Il se met tout seul en situation d’être manipulé, mais ensuite il refuse de jouer les marionnettes. Il est toujours en marge, de tout et de tout le monde. Bref, Camille est un personnage complexe, plein de contradictions, alliant force et faiblesse, bien loin des héros inoxydables que l’on rencontre fréquemment dans les polars.
L’écriture de Jean-Bernard Pouy est parfois brillante, parfois bâclée. Il y une utilisation abondante de jeux de mots plus ou moins heureux ainsi que de nombreuses digressions plus ou moins bien venues. On a même l’impression que parfois l’auteur s’enivre lui-même dans une logorrhée de mots sans rapport aucun avec l’intrigue. La fin du livre est aussi brutale qu’inattendue.
Ma ZAD est un roman dans l’air du temps, il a le mérite de témoigner d’une époque. Il allie un certain cynisme avec un humour tonique. Cependant à cause d’un personnage principal en demi-teinte et d’une écriture assez désinvolte, j’ai eu souvent l’impression que l’auteur ne se prenait pas plus au sérieux qu’il ne prenait ses lecteurs au sérieux.
Extrait :
L’ambiance, dans le petit resto, était blonde et tiède. Et le Fendant abrasif. J’en ai lâchement profité.
— Claire… Pourquoi, selon toi, je suis là, avec toi ?
— Pour m’aider, je crois.
— Et pourquoi je veux t’aider ?
— Ah, tu m’emmerdes, c’est parce que tu veux me baiser. Dis le contraire !
— Mais non, je, je, ce n’est pas
— Je ne t’en veux pas… C’est normal. Mais t’as pas de bol, t’es comme un acteur dans un vieux film américain, un mec un peu neuneu qui tombe sur la néfaste absolue qui va l’entraîner en enfer…
— Et c’est toi la néfaste absolue ?
— À ton avis ?
— À mon avis… tu n’es qu’une petite fille malheureuse.
— C’est ça.
Mais j’avais l’impression qu’elle ne le pensait pas. Elle parlait plutôt comme une méchante Fifi Brindacier.
Je n’allais pas, comme Dylan, m’asseoir au bord de l’eau et regarder la rivière couler. D’ailleurs, dans sa chanson, il précisait :
Why only yesterday I saw somebody on the street
Who just couldn’t help but cry…
Bob Dylan – Watching The River Flow
Niveau de satisfaction :
(3,5 / 5)