Retour à Highbridge – Phil Redmond

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2016 (Highbridge)
Date de publication française : 2017 – Piranha
Genres : Roman noir, sociétal
Personnages principaux : Joey et Sean Nolan, citoyens de Highbridge – Luke, mari de la sœur de Joey et Sean – Matt, compagnon d’armes de Luke

Joey et Sean Nolan habitent Highbridge, autrefois un village rural réputé pour ses tourtes au gibier, devenue une petite ville parée maintenant de tous les inconvénients de la vie urbaine, notamment la présence du trafic de drogue. Janey, la sœur de Joey et de Sean a été écrasée avec sa propre voiture volée par un junkie. Les deux frères ont été très affectés. Le mari de Janey, Luke, encore plus. Celui-ci est de retour à Highbridge après avoir bourlingué en tant que soldat dans les campagnes d’Afghanistan et d’Irak. Il est flanqué de son compagnon d’armes Matt. Chacun fait face à sa façon à cette plaie qu’est la drogue. Sean anime des réunions avec des associations et envisage de s’engager en politique. Joey est partisan de méthodes plus musclées de lutte. Il aide financièrement Luke et Matt qui ont des idées précises et plus radicales de la façon dont il faut s’y prendre.

Ce roman est bâti autour du drame qui a provoqué la mort de Janey, la sœur des uns et l’épouse d’un autre. Les causes de cette tragédie sont la drogue et les trafiquants. Cependant, contrairement à ce que pourraient faire croire la couverture et la quatrième de couverture, tout le roman ne raconte pas uniquement le combat contre les dealers. Pendant une grande partie du livre, l’auteur nous rapporte un genre de chronique familiale concernant les deux frères : Joey obligé d’aller chercher son boulot à Londres, sa femme qui tient la maison de main ferme, l’adolescente qui veut s’émanciper. Côté Sean, on nous décrit le fonctionnement de sa jardinerie-restaurant, ses efforts pour faire la promotion de son magasin, ses bisbilles avec le conseil municipal. Dans les deux familles les mecs, Joey et Sean, n’en mènent pas large devant les épouses qu’ils respectent beaucoup et même craignent. Ce n’est que dans le dernier quart du bouquin que la guerre contre les trafiquants se déclenche enfin. Alors ce ne sont pas les frères qui se retrouvent au premier plan, ce sont les combattants professionnels, Luke et Matt. Ceux qui, attirés par l’image de la couverture, s’attendent à un roman où ça flingue à tout va devront ronger leur frein pendant les trois quart du livre.

Concernant l’écriture, il y a une chose qui a fini par m’exaspérer, c’est cette façon de citer les marques en permanence. Ainsi nous avons droit à – une tenue de travail Screwfix – une veste zippée All Saints – une combinaison imperméable de chez Gelert – un blouson Helly Hansen – un costume Gieves & Hawkes – une robe Vivienne Westwood – un autre blouson North Face – une parka Alexander McQueen – une autre parka Berghaus Ulvetanna – un pantalon Barbour Countrywea – une chemise Gieves & Hawkes – des chaussures Manolo Blahnik – d’autres chaussures L.K. Bennett – un legging TK Maxx – un ensemble John Lewis – une tenue de chez Ragged Priest – une robe de chambre Paul Smith – un déshabillé Jane Woolrich – un soutien-gorge Elle Macpherson … Pour la culotte on ne sait pas, probablement que la dame n’en portait pas, sinon on connaîtrait la marque. Ça c’est pour les fringues. Pour les bagnoles, c’est pareil : – une Audi Q7 – une Mercedes SL 500 AMG – une Jaguar Mk2 3.8 – Range Rover Autobiography – une Jaguar XJR – une BMW X5 – et pour finir une Skoda Fabia toute simple … Je pense que l’auteur s’est fait payer chaque fois qu’il citait une marque. Il a dû se faire du fric !

Retour à Highbridge est un roman qui aurait pu être intéressant si l’auteur ne s’était perdu à nous décrire trop longtemps la vie ordinaire de familles d’Anglais moyens. Mieux valait se concentrer sur le problème de la drogue et sur la façon dont les divers protagonistes réagissent. Et puis je trouve que c’est plus édifiant d’écrire : « Elle portait une belle robe rouge décolletée » par exemple, plutôt que : « elle portait une robe Vivienne Westwood. » Être un scénariste renommé ne suffit pas pour devenir immédiatement un bon écrivain. Pour le devenir l’auteur, dont c’est le premier roman, devra se concentrer un peu plus sur l’essentiel.

Extrait :
Le regard qu’elle lui lança suffit à faire comprendre à Sean qu’il valait mieux lâcher ce sujet ou partir. Il portait déjà sa chemise et son pantalon Barbour Countrywear qui, outre leur confort, correspondaient à l’image qu’il voulait donner de lui-même à la jardinerie. Il attrapa le costume et la chemise Gieves & Hawkes suspendus dans une housse, elle-même suspendue au sèche-serviettes. C’était sa tenue pour le déjeuner et elle lui allait mieux que son costume préféré, comme l’avait dit Sandra. Pour elle, la discussion n’était cependant pas encore terminée.

– Mais… ça fait partie du problème, non ? Tu dis toujours que la plupart des crimes viennent de la privation sociale et non de gènes criminels, donc la drogue est une question sociale autant que médicale. Pourquoi ne pas laisser les gens faire comme ce vieux couple de Bradford ?
– Cultiver leurs propres plants ?
– Pour leur usage personnel et privé. Là, ça vaudrait la peine que tu nourrisses tout ce beau monde.
– C’est un peu radical de ta part. Je pensais que tu étais dans le camp de Joey. Tirer à vue sur les drogués…
– Quand ce sont des dealers et qu’ils détruisent la vie des autres.

Niveau de satisfaction : 
3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

Ce contenu a été publié dans Britannique, Moyen, Roman noir, Sociologique, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.