Trois jours chez ma tante – Yves Ravey

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2017 (Les Éditions de minuit)
Genres : Suspense, aventures
Personnage principal : Marcello Martini responsable d’une école pour enfants déshérités au Liberia

Marcello Martini a installé une école pour enfants déshérités au Liberia. Il est soutenu financièrement par sa riche tante. Mais voilà que la tante stoppe ses virements réguliers et le convoque. Elle doit lui parler de toute urgence. Marcello prend l’avion pour la France. Il a trois jours pour faire revenir sa tante sur sa décision de le déshériter et de reprendre le financement. La tâche de Marcello s’annonce difficile, la tante est immensément riche mais aussi versatile et têtue.

Au fur et à mesure que l’auteur déroule l’histoire nous découvrons les circonstances du départ de Marcello pour le Liberia et sa personnalité. Il apparaît d’abord comme un généreux humanitaire qui vient en aide aux enfants pauvres. Mais progressivement son image se trouble, il devient un personnage ambigu et ambivalent. Toute l’habileté de l’auteur est de montrer ce glissement progressif de la lumière vers l’ombre du principal protagoniste. Un fort suspense s’installe autour de la simple rédaction d’un chèque. D’un très gros chèque à plusieurs zéros quand même ! C’est avec un certain machiavélisme que l’auteur nous tient en haleine. C’est terrible quand la chance tourne et que les petites choses accumulées finissent par former une grosse catastrophe.

Les personnages sont intéressants et leurs rapports compliqués. Il y a de l’affection entre la tante et Marcello, plus exactement la tante a de l’affection pour Marcello. Ce dernier en joue et essaie d’exploiter les sentiments de la vieille dame. Mais celle-ci est aussi sous l’influence d’autres personnes, son ex-femme et l’ancien comptable, qui, elles, ne se font aucune illusion sur la cupidité de Marcello. Les obstacles se multiplient et le temps est compté. Avec Marcello, Yves Ravey nous dresse le portrait d’un bel enfoiré, magnifique dans son genre !

Trois jours chez ma tante est un roman habile où l’auteur nous présente un personnage d’homme bon et généreux qui bascule progressivement vers son inverse : un cupide et un manipulateur. Un escroc cynique et déterminé. Le style est simple, épuré mais diablement efficace.

L’auteur fait preuve d’astuce et de maîtrise pour faire évoluer le personnage de Marcello. Sa faculté d’installer la tension avec des choses simples est admirable : des scènes comme la signature d’un chèque ou l’écriture du nom du bénéficiaire sont porteuses d’un suspense intense. C’est tragi-comique la façon dont des petits détails peuvent tout faire basculer.

Livre habile et agréable à lire.

Extrait :
J’ai orienté le chèque vers la lumière de la lampe de chevet. J’ai fait remarquer à ma tante, d’un ton irrité, qu’elle avait oublié l’ordre, du moins, elle avait dû commencer par l’écrire, mais elle n’avait pas poursuivi. On distinguait, au début de la ligne, le M majuscule de Monsieur, ou de Marcello, peu importe. J’ai enjambé la chaise à côté du lit et, peut-être, bousculé Lydia, atteint la commande d’ouverture du store électrique, posé le chèque sous les yeux de Vicky, quelque peu indisposée par la faible clarté de cette fin d’après-midi. Regarde, ma tante, la ligne est vide !

Vicky a répondu, qu’elle n’y pouvait rien. Je lui ai demandé pourquoi elle n’avait pas mis l’ordre. Ce n’est pas difficile à comprendre, a-t-elle poursuivi. Je vais t’expliquer.
C’est égal, que tu m’expliques ! : suffit d’écrire mon nom ! : Marcello Martini, tu connais…? je ne vais quand même pas épeler chaque mot…! Tu sais écrire, non…? Mais enfin, de quoi parle-t-on, ici ? ai-je élevé le ton.
Regarde ce qui se passe, Marcello, mais regarde donc, au lieu de t’énerver ! Elle a secoué le stylo-plume au-dessus du chèque, en tapant du poing sur la table. J’ai craint alors une tache, notant au passage que c’était le dernier feuillet de son carnet de chèques, et je me suis écrié : Arrête, malheureuse !
Ça ne risque rien ! regarde, Marcello, il n’y a plus d’encre…! la cartouche est vide… Si je te dis que je n’ai pas utilisé ce stylo depuis des semaines, tu me croiras ? J’écris le plus souvent avec un autre, regarde, comme celui-là. Elle m’a indiqué un stylo à bille posé sur la table.
Eh bien, ma tante, tu peux rédiger l’ordre avec celui-ci, ce n’est pas un problème, l’essentiel, c’est que tu écrives mon nom.

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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