Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2018 (Green Sun)
Date de publication française : 2018 – Calmann-Lévy
Traduction : Elsa Maggion
Genre : Roman noir
Personnage principal : Hanson, policier à Oakland
Hanson est un ancien des forces spéciales au Vietnam. Après un retour au pays en tant que seul rescapé de sa section et un intermède comme enseignant, il se décide à reprendre le seul métier qu’il a trouvé après la guerre, un métier où l’on comprend mieux la douleur que la rhétorique : policier. Il intègre à 38 ans l’Académie de police parmi des jeunots d’une vingtaine d’année. Malgré l’hostilité des éducateurs de la police, il va jusqu’au bout de sa formation qu’il doit ensuite valider par un stage de 18 mois sur le terrain avant d’obtenir son diplôme définitif le POST (Peace Officer Standards and Training). C’est dans les rues d’East Oakland que le stagiaire Hanson va effectuer sa période probatoire.
L’intrigue nous amène donc dans les rues d’Oakland où Hanson assure une suite d’interventions en solitaire. C’est l’occasion pour l’auteur de nous faire une peinture d’un quartier pauvre d’une ville des États-Unis avec toute sa diversité : gamin des rues en vélo, baron de la drogue en Rolls Royce, drogués, ivrognes, fous, culturiste nazi, motards Road Devils, Blacks Muslims, petites boutiques … Toute une faune où le misérable côtoie le pittoresque.
Le personnage principal, Hanson, est un type qui a vécu des choses terribles au Vietnam. Ce qui a failli le détruire constitue maintenant sa grande force : il s’en fout complètement de mourir. Dans les moments où l’affrontement devient inévitable, ses yeux impressionnent beaucoup par l’absence totale de peur qu’ils expriment. Ça refroidit les adversaires. C’est donc un homme redoutable qui trouve la sérénité dans les situations de tension extrême où il risque la mort. Il s’y trouve bien, elles lui rappellent la guerre où il se sentait bien vivant à cause de la mort possible à chaque instant. Par contre il n’est pas violent, c’est un flic pacifique, un travailleur social armé qui préfère la négociation aux méthodes brutales employées par ses collègues. Il déteste la paperasse induite par les rapports d’intervention, il fait tout ce qu’il peut pour y échapper.
Kent Anderson nous livre une œuvre crépusculaire, à la fois tableau réaliste d’un quartier misérable d’Oakland et portrait d’un homme revenu de tout mais qui garde le sens de l’ordre et des valeurs sociales. L’auteur bascule parfois dans l’onirique, quand Hanson revit ses souvenirs de guerre et frôle le fantastique avec la vision récurrente d’un gros lapin noir dont on ne sait pas s’il est réel ou imaginaire. Il se dégage de ce livre une sorte de poésie sombre portée par une belle écriture.
Un soleil sans espoir est le dernier volet de la trilogie commencée avec Sympathie For The Devil et Les Chiens de la nuit qu’il n’est pas indispensable d’avoir lu pour comprendre et apprécier ce dernier volume.
Extrait :
Avec un certificat POST d’Oakland, il pourrait demander un transfert et exercer n’importe où dans l’État. Troquer son expérience de la rue à East Oakland contre un poste dans une petite ville sur la côte. Un endroit où il pourrait passer chef en quelques années, où il incarnerait la loi, où, travailleur social armé, il œuvrerait à faire respecter le contrat social de la juridiction. Où la justice aurait plus d’importance que le Code pénal californien. Et où il pourrait se charger de résoudre les problèmes. Lui-même. S’approcher de la maison, du véhicule, du bar, du magasin de spiritueux, de la foule, du parking. Entrer, avancer, décliner son identité, prendre une décision et régler l’affaire sur-le-champ. Faire respecter sa loi à lui à sa façon à lui, et bon sang, le faire sans pistolet. Et s’asseoir sur toutes ces règles de «sécurité » à suivre au pied de la lettre.
Hanson éteignit ses phares et s’arrêta à deux voitures de distance de l’extérieur du cercle. Donna Summer chantait She Works Hard For the Money.
Donna Summer – She Works Hard For the Money
Niveau de satisfaction :
(4,1 / 5)
J’ai lu -et aimé- Sympathy for the devil et Pas de saison pour l’enfer mais pas Les chiens de la nuit. Mais c’est au programme, ainsi que la lecture de ce titre, car comme on le comprend dans ton billet, l’écriture de Kent Anderson est de celles vers lesquelles on a envie de retourner..
Comme tu le dis on peut aimer certains titres d’un auteur et pas les autres. Rien ne dit que tu apprécieras Un soleil sans espoir qui est une œuvre crépusculaire pour son ambiance. Cependant il est indéniable qu’il y a de la qualité dans ce roman.