Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2019 (Leméac)
Genre : Enquête
Personnage principal : Laetitia, manucure professionnelle
C’est le premier roman de Denis Thériault que je lis; Thériault s’est fait un nom avec des romans plutôt psychologiques et il entreprend aujourd’hui son premier polar.
Amélie, la sœur cadette d’Emma, qui pratique comme elle le métier de manucure professionnelle à domicile, est retrouvée morte, une balle dans la tête : suicide ou meurtre? Les indices penchent du côté du suicide, mais Emma est persuadée que c’est un meurtre parce qu’elle connaissait suffisamment sa sœur pour savoir qu’elle n’était pas du genre à se suicider. D’ailleurs, où est passée sa mallette à manucure ? Et que signifie l’étrange dessin qu’Emma retrouve dans les papiers d’Émilie ? Elle respecte l’Inspecteur Saunier mais le trouve trop cartésien, lui reprochant de manquer d’imagination. Ce n’est pas, en effet, ce qui manque à Emma, persuadée qu’un de ses clients a assassiné sa sœur.
Sous le nom de Laetitia, et sans révéler qu’elle est la sœur d’Amélie, Emma récupère sa clientèle pour étudier de plus près les hommes et les femmes qui recevaient les services de sa sœur. Ce qui nous vaut une galerie de personnages étranges ou originaux, donc suspects, d’une grande comédienne à un agent du renseignement, d’un homme politique à une psychiatre, d’une supposée future vedette de la porno à une ancienne amie d’Amélie…
Ce qu’elle apprend surtout c’est qu’elle ne connaissait pas beaucoup sa sœur, ni elle-même finalement. Au moment où elle touche à la vérité, tout semble perdu pour elle, et les policiers qui sont censés la protéger n’y peuvent rien. Si elle s’en sort, ce sera encore malgré elle.
La force de ce roman, c’est la galerie de portraits : dans un monde avec lequel la plupart d’entre nous ne sont pas familiers (les gens qui sont prêts à payer le gros prix pour se faire faire les ongles), nous rencontrons des personnages qui sortent de l’ordinaire et satisfont notre curiosité.
L’enquête m’a semblé servir de prétexte à cette exposition. Les hypothèses d’Emma sont plutôt gratuites et sa façon de procéder peu efficace (sauf quand elle emprunte un truc à Lisbeth Salander). Emma elle-même a plus d’imagination que de jugement, et je ne trouve pas très sympathique ce type de personnes qui paraissent consacrer leur vie à s’occuper d’autrui à défaut de pouvoir assumer leur propre existence.
Extrait :
C’était un sentier à peine tracé dans la forêt. Il serpentait dans le sous-bois, s’inclinait selon une pente abrupte, puis débouchait au bord d’une rivière au cours tranquille. Tamisés par les frondaisons, les rayons du soleil matinal ensemençaient les eaux. Des oiseaux chantaient, des libellules maraudaient. Des myriades d’alevins fréquentaient le rivage, frétillant dans l’onde qui toutefois n’était pas aussi limpide qu’elle aurait dû. Car les volutes d’une substance sombre la teintaient, lentement aspirés par le courant placide. Cette substance était rouge. Elle provenait, à quelques mètres en amont, du corps inerte d’une femme étendue sur un lit de galets ensanglantés…
Niveau de satisfaction :
(3 / 5)