Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2019 (Rouergue noir)
Genres : Aventures, roman noir, ethnologique
Personnage principal : Guédalia, jeune Inuit d’Amarok
Guédalia, jeune Inuit fraîchement sorti de prison, travaille au magasin coopératif d’Amarok, dans l’île de Baffin, au nord du Canada. Il en profite pour faire le commerce de drogues et d’alcool. Guédalia c’est le mauvais fils de la famille. Plus jeune c’était un élève brillant qui a fait de bonnes études chez les blancs, à Montréal. Il a compromis un avenir qui s’annonçait radieux en tombant dans la drogue et l’alcool. Son frère aîné, Jack, à l’origine beaucoup moins brillant mais avec de solides convictions est devenu l’avocat respecté de tous, celui défend la cause des Inuits face aux compagnies prédatrices. Lui, c’était le bon fils. Un jour où Guédalia était complètement défoncé, il tue par accident son frère. C’est sa mère qui assume l’homicide et va en prison. Guédalia se retrouve dans la maison familiale avec pour seule compagnie son père grabataire dont il doit s’occuper. Réveillant ses rêves d’enfant et pour tenter d’échapper l’enfermement, Guédalia décide de partir vers le nord, direction Grise Fiord, vers cet endroit mythique où existent des arches faîtes de côtes de baleine. Il amène son père infirme et Dalia, une vieille chamane qui s’impose pour participer au voyage. Ils se lancent tous trois en traîneau tiré par dix chiens dans cette immensité blanche. Un périple risqué dans des conditions très difficiles.
Après nous avoir narré la dérive et le naufrage humain du jeune Guédalia, l’auteur nous fit vivre son expédition vers un but aussi vague que fantasmé. Guédalia ne connaît pas exactement la position géographique de son but, il se base sur une histoire racontée par son père qui l’avait captivé lorsqu’il était enfant. Commence alors un périple dantesque dans la neige, la glace et le vent. La faim et le froid sont toujours omniprésents. La proximité de la mort aussi. Abandonnant sa culture d’homme civilisé, Guédalia retrouve l’instinct de ses ancêtres pour tenter de survivre.
Ce qui est remarquable dans ce roman c’est la grande connaissance de l’auteur concernant la culture et les traditions des Inuits. L’histoire de ce peuple est aussi évoquée : les populations déplacées vers le nord pour faire la place à la civilisation envahissante des hommes blancs. La similitude avec les Indiens d’Amérique est frappante. L’impression d’un monde qui survit péniblement, en voie de disparition, comme la banquise. Une communauté qui était armée pour survivre dans un climat et des conditions extrêmes mais le danger qui l’a frappée était beaucoup plus insidieux : les vices que le monde occidental a importés : l’alcoolisme et la drogue.
Grise Fiord est un roman noir ethnologique. Il nous immerge complètement dans les paysages glacés, les traditions ancestrales et les croyance du peuple inuit. C’est sauvage et fascinant. Empreint de nostalgie et de poésie aussi. Et totalement dépaysant.
Extrait :
Qu’est-ce qu’elle sait de ce que contiennent ces livres ?
— Suffisamment, petit merdeux. Ne me prends pas pour une gamine. Comme toi, je suis l’Inuite qui est allée à l’école des Blancs, je sais, j’ai appris. Et il se trouve que la police m’a emmenée un jour, que j’ai passé de longues années dans la clinique psychiatrique, au service réservé pour les Natives. J’ai vu ces hommes en blanc mortel s’approcher, des livres, des classeurs sous le bras, des thèses, encore, toujours, bien organisées, une pensée « structurée », des dictionnaires et des listes de troubles… D’autres Blancs, soi-disant bienveillants, et sans blouse cette fois, des ethnopsychiatres, sont venus voir et comprendre les pathologies spécifiques des autochtones pour faire des rapports qui aideraient les pouvoirs publics à mettre en place « des politiques sanitaires cohérentes ».
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)
Bravo ! Superbe chronique, avec une vraie compréhension de la qualité de ce roman, ça fait du bien !
Merci. Je pense que vous aussi vous avez apprécié ce roman fascinant.