Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 1962
(Chain of Darkness)
Date de publication française : 1964 – Gallimard (sous le titre Téléviré) – 2019 – Éditions Autrement
Traduction : Rosine Fitzgerald révisée par Thomas André
Genre : Roman noir
Personnages principaux : Johnson, assassin traqué par la police – Davidson, reporter de télévision
Australie dans les années 1960. Johnson vient de dévaliser une bijouterie lorsqu’il tombe nez-à-nez avec un policier. Il le tue avec le démonte-pneu qui lui avait servi à forcer la porte du magasin. Traqué par la police il réussit à s’enfuir et à se cacher dans l’arrière-pays, au sud de la ville d’Ulverston. Mais la police est toujours à ses trousses.
Davidson, jeune reporter, suit pour la chaîne de télévision BJV la chasse-à-l’homme qui s’est engagée. Il réussit à faire des films spectaculaires et même à avoir une interview du fugitif en pleine cavale. Ses patrons auraient dû être ravis mais il y en a un à qui ça ne plait pas.
Concernant les personnages principaux : – Johnson, le tueur, n’est qu’un demeuré, un benêt, un gosse attardé. Il a quand même fini par tuer deux policiers. Il croit qu’en expliquant que c’est un accident, qu’il ne l’a pas fait exprès, sa peine sera allégée. Il n’a réussi à s’échapper que grâce à un concours de circonstances favorables. Ses chances de s’en sortir sont minimes. – Davidson est un journaliste qui croit en son métier. C’est un homme de terrain éloigné des luttes intestines que se livrent les cadres de la chaîne. Son ambition c’est de faire des bons reportages. Il est passionné par son métier.
L’intrigue se développe en deux parties qui s’entremêlent : la fuite du meurtrier et les rivalités au sein de la chaîne de télévision. La partie traque du meurtrier est assez classique et ne laisse pas beaucoup de suspense sur l’issue. Elle sert surtout de prétexte à dénoncer le fonctionnement de la télévision. Il y a des conflits internes et le poids du budget publicitaire est considérable. Ce reportage où Davidson montre le fugitif pointant un fusil sur lui et expliquant ses crimes de façon puérile avait tout d’un formidable scoop. Cela aurait dû réjouir les dirigeants de la chaîne. Mais non, car tout ça ne fait pas vendre les produits pharmaceutiques du principal annonceur. Alors ce n’est pas bon pour la télévision. Ce n’est la qualité d’un reportage qui prime, c’est le fait qu’il plaise ou non à celui qui met de l’argent pour passer ses publicités. L’argent commande, pas la qualité ni le talent. C’était déjà ainsi en 1962. Depuis le système a évolué … pas en bien !
Ne vous fiez pas au titre et ne vous attendez pas à trouver la belle ambiance sauvage et désertique du bush et de l’outback australien. Il n’en est quasiment pas question si ce n’est qu’il sert de refuge à un meurtrier en fuite.
Publié d’abord en 1962, le livre a été réédité cette année. Il a acquis aujourd’hui un petit côté vintage sympathique, surtout concernant le matériel de télévision. Pas d’ordinateurs ni de téléphone portable. On charge 150 mètres de pellicule en prévision d’un tournage et on attend que le radio-téléphone chauffe avant de pouvoir l’utiliser.
Outback est un roman noir qui développe aussi une critique des médias et de leur manque d’indépendance. Assez visionnaire pour l’époque.
Extrait :
Davidson se pencha en avant.
— Je m’excuse, dit-il, mais je suis un peu en retard sur les événements… quel est, au juste, le problème posé par cette interview ?
Forster eut l’air d’espérer que quelqu’un prendrait la relève, mais tout le monde se tut.
— Enfin, dit Forster, il me semble tout de même évident que cette interview n’aurait jamais dû passer sur nos antennes ; en fait, vous n’auriez même jamais dû la faire.
— Excusez-moi, reprit Davidson sans en démordre, mais je n’ai toujours pas saisi les inconvénients qu’elle pouvait présenter. Je ne prétends pas qu’elle n’en comportait pas ; simplement, je ne vois pas en quoi ils consistent.
Bloomfield, qui n’avait pas quitté Davidson des yeux depuis son arrivée, intervint alors :
— Je vais vous dire, moi, jeune homme, ce qui ne va pas. Ma compagnie ne verse pas de grosses sommes d’argent pour permettre à des criminels, des assassins, de se disculper pendant notre programme. Disons-le franchement, cette émission est destinée à faire vendre nos produits pharmaceutiques, et ce n’est pas avec vos histoires qu’on y parviendra.
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)