Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2019 –
De Saxus
Genres : Roman noir, historique
Personnage principal : Dwayne Olsen, agent spécial du FBI
Alabama, 1963.
Woodbridge en Alabama est une petite communauté calme et paisible. Pour les blancs en tout cas. Les noirs n’ont aucun droit, ils sont considérés comme n’étant pas chez eux. Ici il n’est pas question que s’imposent les droits civiques pour tous préconisés par les Yankees du nord. La police blanche corrompue réprime sévèrement toute revendication des noirs et absout tout délit racial commis par les blancs. Ainsi la ségrégation et la suprématie blanche suivent tranquillement leur cours à Woodbridge. Jusqu’au meurtre et viol d’une jeune fille blanche. Le coupable est vite désigné, c’est un jeune noir. D’ailleurs le Ku Klux Klan lui a déjà réglé son compte, à lui et à sa famille. Affaire réglée. Mais voilà que débarque Dwayne Olsen, agent spécial du FBI pour enquêter. Il y a une bonne raison à cela : avant de mourir la jeune femme avait écrit au FBI que sa vie était menacée. Dans son enquête, le policier du FBI va constater que des personnes appartenant au Ku Klux Klan sont impliquées mais protégées par la police locale. Dans un contexte de tension Dwayne Olsen mène une enquête difficile où il rencontre l’hostilité de tous les notables du coin.
En attaquant ce roman j’ai pensé que cette histoire de ségrégation raciale aux États- Unis avait un côté de déjà vu. Cela m’a rappelé des films tels que Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison ou Mississipi Burning d’Alan Parker. Mais si on retrouve ce climat de haine, l’auteur développe une intrigue originale, bien construite et dense. Il restitue parfaitement l’ambiance pesante qui règne dans la région où des notables racistes essaient de faire renaître un Ku Klux Klan, pas formellement interdit. Ce qui rend la tâche de l’agent du FBI compliquée. D’autant plus que les dirigeants de ce groupuscule ne se salissent pas les mains dans les bases besognes comme les exécutions et les lynchages. Ils utilisent pour cela des petites frappes qui sont ravies de pouvoir laisser cours à leurs plus bas instincts tout en se sentant honorées de faire partie du Klan. L’agent du FBI ne peut pas compter sur l’appui de la police locale, celle du shérif et de ses adjoints. Bien au contraire ce sont des ennemis, ils sont complices du Klan. Quant au gouverneur de l’état d’Alabama c’est un ségrégationniste qui protège le KKK. Les représentants de la cause des noirs et un jeune journaliste local seront ses seuls appuis. L’ambiance pesante, explosive est bien mise en place, on se sent totalement immergé dans cet état du Sud ségrégationniste. Le contexte historique, est lui aussi parfaitement restitué.
Au fil ce cette histoire, l’auteur met en place une belle palette de personnages tout à fait crédibles qui ajoute de la consistance et de l’humanité à cette histoire de ségrégation. À noter aussi que l’auteur ne tombe jamais dans un manichéisme simpliste, même les horribles blancs racistes ont leurs arguments. Personne ne lâche une partie de son pouvoir sans y être contraint. C’est toujours vrai.
La fin est assez surprenante et aussi amère que le titre. S’ajoutant à une intrigue solide, une écriture efficace et imagée et un réel talent de conteur font de ce roman une œuvre puissante et tout à fait remarquable.
Extrait :
Homme puissant dans les tribunaux, Robert Atkinson l’était davantage face à la croix grignotée par les flammes autour de laquelle les klansmen s’attroupaient. Il laissa un instant la chaleur imprégner son être, avant de haranguer la foule venue se recueillir, et de passer au petit jeu qu’il avait prévu, avec une victime de choix. Un morceau de premier ordre. Autour de la croix, des insectes nécrophages attirés par le feu s’étaient agglutinés, en tenue blanche, noire ; des Monsieur Tout-le-Monde dont la haine débordait de leur être ; des curieux aussi. Ethan et Doug Cole faisaient partie de la première catégorie. Ils devenaient des chevaliers du Klan. Des klansmen. Des exécutants des basses œuvres. Certains venaient chercher l’adrénaline, ils se moquaient bien de l’objectif tant qu’ils pouvaient jouer des poings. D’autres étaient tout entiers voués à la cause. Une manière d’exister sans doute. Robert Atkinson s’en fichait, du moment qu’il trouvait des pigeons pour le suivre.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)