Geist. Les Héritiers de Nikola Tesla – Sébastien Chartrand

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2019 (Alire)
Genres : enquête, fiction, uchronie
Personnages principaux : Georges Parent, lieutenant Geist

Ce roman est une uchronie, c’est-à-dire une réécriture de l’histoire à partir de la modification d’un événement important, ou d’une série d’événements. Dans ce cas-ci, remontons à l’époque où Napoléon III prend le pouvoir, s’entoure de conseillers voyants et remporte la victoire contre la Prusse en 1858, provoque la chute de la double monarchie austro-hongroise, occupe une partie de l’Espagne, livre une guerre de 4 ans contre les Anglais, mène la campagne de Scandinavie, et a moins de succès contre la Prusse en 70 : décès de Napoléon III, avènement de la Troisième République et instauration de la Régence, à laquelle se soumettra Louis-Napoléon en 1874. Les Régents instaureront un régime autoritaire, grâce aux Phantom, redoutables soldats aux pouvoir spéciaux, et aux Geist, policiers armés et dotés de pouvoirs de perception exceptionnels.

Vers 1880, pour convaincre les sceptiques de l’existence des phénomènes métapsychiques, des citoyens importants comme le docteur Charcot, l’écrivain Guy de Maupassant, le docteur Parent (père du geist Georges Parent, héros en quelque sorte de ce récit) mènent le combat. On compte beaucoup sur la science : Nikola Tesla s’installe en France en 1883, les applications de l’électricité envahissent le quotidien (éclairage, contrôle de la température, transports et, à la limite, construction de la tour du Périkardia pourvue d’un dôme inviolable de particules au-dessus de Paris dans le but de protéger la capitale contre les attaques éventuelles de la Russie trotskiste).

Nikola Testa se suicide en 1907 et son fils, Danijel, est retrouvé mort, mystérieusement, en 1933. Georges Parent est chargé de l’enquête, et c’est ici que le roman commence pour vrai : comment Danijel aurait-il pu être tué par un séculaire (catégorie de personnes atteintes de folies bizarres, de plus en plus nombreuses) puisque, comme l’affirme sa fille Mariska, il était doté de préscience et n’aurait donc pas pu être pris par surprise. L’enquête de Georges, personnage lui-même assez ambigu, nous permettra de connaître de près l’influence de la technologie et de la métapsychologie sur le mode de vie des habitants de la capitale; on grimpera dans la hiérarchie des dirigeants pour aboutir à la constatation de réalités stupéfiantes.

Sébastien Chartrand est un jeune auteur (il n’a pas 40 ans) qui s’est fait connaître plus par des récits fantastiques que par des romans policiers. Dans ce cas-ci, dit-il, la forme enquête policière s’est pratiquement imposée à lui. Pour ma part, je ne lis pas beaucoup de récits de science-fiction, bien que Le Meilleur des Mondes, 1984, La Servante écarlate, de même que plusieurs romans de Philip K Dick et d’Asimov restent des œuvres remarquables et bouleversantes. Il y a un peu de ça dans le roman de Chartrand : insistance sur l’usage de la technologie, comme chez Huxley, description d’une société totalitaire comme chez Orwell. J’ai été heureux de trouver chez un écrivain de chez nous une imagination effervescente, une rigueur certaine et une écriture facile qui nous embarquent dès le début.

Très bon rythme dans la première partie où le lecteur passe de la curiosité à l’effroi. La deuxième partie est plus ardue parce que, indépendamment d’une quête dont l’objectif n’est pas très clair, l’auteur doit raconter comment tout cela a commencé et fournir des informations sur sa propre biographie. Pour nous faciliter la tâche, Chartrand ajoute en annexe un lexique, un calendrier comparatif (notre univers et l’univers du roman) et quelques pages de notes sur les rapports entre pouvoirs psychiques et maladies mentales au XIXe siècle et sur le contrôle réel et possible de l’électricité aussi bien au niveau militaire que dans l’influence entre l’électricité et l’activité cérébrale.

C’est sûr que le projet est ambitieux et que tout n’est pas parfait, mais l’auteur a du talent et mérite d’être connu.

Extrait :
Le capitaine se leva et adopta la célèbre posture napoléonienne.
– Abrégeons, Parent. S’il s’avère que la victime est quelqu’un de moindrement important, les Phantom vont rappliquer. Avec l’inauguration imminente du Périkardia, tout ce qui pourrait ressembler vaguement à du terrorisme va mettre Paris sur les dents. Je veux que ce dossier soit réglé vitement et proprement, vu ? Et si tout ça s’achève sur un cure-dent, vous me classez l’affaire et vous passez à autre chose.
– Bien reçu, capitaine. Le sergent Quadruppani s’occupe présentement du ramasse-miettes. Je serai fixé quand j’aurai son rapport et celui du docteur Guillemain.
– Excellent, Parent. Vous pouvez disposer.
Georges se leva, salua et quitta le bureau.
Du vent, songea-t-il. Une rencontre qui s’achève sur du vent. Généralement, ces petites réunions se terminaient par une prise de décision, mais cette fois-ci le capitaine n’avait fait que ressasser du grand n’importe quoi.
Il subodore quelque chose et espère que la merde va tomber ailleurs que sur nous.
Ou alors, l’idée que les Phantom se mêlent de l’enquête le mettait sur les dents.

La plus puissante pile au monde activée par Tesla en Australie

Niveau de satisfaction :
3.8 out of 5 stars (3,8 / 5)

 

 

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