Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2019 (VLB)
Genre : Enquête
Personnages principaux : Maude Cantin Espejo, enquêtrice ès-animaux
Pour se dépayser, on cherche souvent des polars islandais ou d’Afrique du Sud. Et bien, même si le polar dont je dis un mot aujourd’hui se passe à Mexico, pas si loin du Québec en fin de compte, j’avoue avoir été passablement désorienté en lisant ces Offrandes de Louis Carmain. Jeune écrivain, qui a gagné le Prix littéraire des collégiens pour son roman Guano en 2013, Carmain nous entraîne dans une ville cauchemardesque où il ne fait pas bon vivre. On connaît pourtant la réputation de cette ville. Par la médiation de son personnage principal, Maude Cantin Espejo, cependant, les appartements, les rues, les bars, les gens de Mexico nous collent à la peau, et c’est loin d’être agréable.
Maude a quitté Baie-Comeau à dix-huit ans pour s’installer chez son oncle et sa cousine à Cuernavaca. Puis, elle s’inscrit à l’Université de Mexico pour faire des études en criminologie. Elle supporte un fiancé pendant sept ans, mais il devient fou. Âgée maintenant de trente-deux ans, cette grande blonde aux yeux bleus est devenue détective privée spécialisée dans les affaires de disparition d’animaux domestiques, volés ou simplement en fugue.
Son ex-belle-mère, pour une raison qui lui semble personnelle mais jamais tellement clarifiée, lui demande d’enquêter sur le meurtre de deux jeunes femmes de ménage retrouvées pendues dans la cour d’un immeuble de luxe. Maude hésite, mais elle a besoin d’argent. Là voilà donc lancée dans une quête d’informations qui nous entraîne des bas-fonds de Mexico aux hôtels luxueux d’Acapulco, des petits truands de tous les jours aux caïds des cartels. Maude dépense beaucoup d’énergie, coure des risques insensés, bénéficie de beaux hasards et finit par obtenir des résultats surprenants.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette enquête n’est pas très classique. D’abord, Maude n’est pas équipée pour ce genre de sport; elle n’est pas non plus très intéressée et se demande souvent si elle ne devrait pas abandonner ses démarches. Évidemment, le petit séjour à Acapulco n’est pas négligeable. Elle s’efforce d’en faire juste assez pour justifier auprès de son ex-belle-mère l’argent qu’elle lui a consenti. Sauf que ses questions ont dérangé bien du monde, ce qui est imprudent au Mexique.
D’une part, l’aspect polar ne me paraît pas l’essentiel de ce roman. L’enquête elle-même est problématique, le personnage principal n’est pas très sympathique; Maude vit dans un quartier délabré et ses fréquentations sont peu intéressantes. Les descriptions de la ville sont longues et ralentissent l’action dont le rythme est déjà assez lent. Par ailleurs, je pense que l’auteur est plutôt soucieux de nous présenter l’exil difficile d’une fille de Baie-Comeau au beau milieu d’un pays pour le moins inhospitalier. En ce sens, Carmain est capable de nous faire voir le délabrement d’une ville, et de nous faire sentir des odeurs typiques de pauvreté et de promiscuité. Et son écriture contribue à nous projeter dans son univers : plusieurs mots espagnols pas trop difficiles à déchiffrer vu le contexte et un vocabulaire très large : un « câline de bine » qui fera sourire les plus vieux, mais des expressions de jeunes qu’ils trouveront hermétiques : « Elle reçut bientôt un WhatsApp de Poncho qui lui demandait si elle était fâchée. Elle le ghosta. Puis continua de swiper à travers ses photos… ».
Bref, on retrouve chez Carmain une originalité dans l’écriture et un sens de l’innovation qui nous réservent de belles surprises.
Extrait :
L’enveloppe brune en papier recyclé gisait sur le plancher de béton. Elle avait probablement été glissée sous la porte dans le courant de la journée. Aucune adresse; aucun nom. Maude l’ouvrit. Elle en sortit un billet Ticketmaster rose et blanc. Le gala de lutte se déroulerait à l’Arena México et débuterait à vingt heures. En vedette : Ultimo Guerrero, Psicosis et Mistico. Je joue dans un film ? pensa Maude. De tous les lieux de rencontre possible, à l’exception peut-être de la plaza Garibaldi, c’était bien le plus ridiculement mexicain. Au verso du billet, trois mots avaient été tracés au crayon de plomb : Tel que demandé.
Niveau de satisfaction :
(3 / 5)