Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2019 – Albin Michel
Genre : Enquête policière
Personnages principaux : Michel, jeune officier de police – Jean-Charles Provincio, garde champêtre, chef de la Police des fleurs, des arbres et des Forêts
Nous sommes en 1961 dans le petit village de P. (les communes sont désignées par l’initiale de leur nom uniquement). Le maire demande à la Procureur de la République d’envoyer un policier pour enquêter sur la mort de Joël que l’on a retrouvé découpé et emballé dans huit grands sacs des Galeries Lafayette abandonnés dans une cuve de l’usine de production de confitures locale. C’est un jeune officier de police de 24 ans qui est envoyé sur place pour mener l’enquête. Il est secondé dans ses investigations par le garde champêtre du village qui représente la poétique Police des fleurs, des arbres et des Forêts. Les suspects, d’abord fort nombreux, se réduisent au fil d’une enquête classique. Finalement après quelques rebondissements le coupable est découvert. Il passe même aux aveux. L’enquête, brillamment menée est bouclée. Mais il reste une surprise de taille !
D’entrée l’auteur nous prévient de trois choses :
– Que c’est une enquête policière spéciale
– Que la découverte du coupable n’est pas le plus important
– Et qu’il y a un coup de théâtre final époustouflant.
De quoi titiller notre curiosité.
Du coup on s’attend à un coup de Jarnac de la part de l’auteur et on se méfie, on reste vigilant et on scrute tous les indices. Mais l’enquête de l’officier de police et du garde champêtre se révèle on ne peut plus classique : reconstitution des faits, analyse des indices, interrogatoires, perquisitions … Un premier suspect semble être le coupable, mais ce n’est pas le bon. Finalement la police arrive à appréhender le meurtrier après une histoire compliquée d’amour et de vengeance. Là, il n’y a plus de doute puisque la personne passe aux aveux. Quand tout semble fini, une dernière grosse surprise nous amène à reconsidérer l’ensemble de l’enquête. C’est alors que les avertissements du début prennent tout leur sens.
L’enquête policière outre son coté classique a aussi un aspect délicieusement vintage et pas seulement parce qu’elle se déroule en 1961. Le policier venu de la ville, avant de s’adapter à la vie rustique, découvre effaré une population de ploucs arriérés aux mœurs choquantes pour un citadin comme lui. Comme un gros orage a coupé les lignes téléphonique, c’est par lettres manuscrites que se font les échanges police – Procureur de la République. L’officier de police enregistre tout sur un magnétophone à cassettes qui dévore un nombre considérable de piles.
C’est assez drôle et malin. Ça fait sourire mais c’est un peu gros ! Il ne faut donc pas voir ce livre comme un roman policier sérieux mais plutôt comme un jeu dans lequel l’auteur roule le lecteur dans la farine. C’est une mystification habile et réjouissante à condition de ne pas trop s’attacher à la vraisemblance. Déjà le titre laisse à penser qu’on n’a pas affaire à un polar tendu et violent mais qu’il y a plutôt de la fantaisie et de la facétie dans ces pages. Ça évite un mauvais choix. Ce roman est une joyeuse duperie : le lecteur est berné mais content de l’être, à condition d’avoir gardé la fraîcheur de l’enfance.
Extrait :
— C’est l’histoire d’un homme, un policier donc, l’un des plus brillants de la grande ville. À sa mort, on retrouva sous son lit une boîte à biscuits en fer contenant neuf bandes magnétiques d’enregistrement, une liasse de lettres et quelques feuilles volantes, le tout réuni sous le nom de Affaire Joël.
— Jamais entendu parler.
— C’était le début de sa carrière et il avait été envoyé un matin de l’été 1961 à P., où l’on venait de retrouver, dans l’usine de confiture locale, le corps d’un certain Joël, aimé de tous, égorgé et démembré à l’aide d’une scie à métaux. Il avait été découpé avec rage et emballé dans plusieurs sacs avant d’être laissé pour compte dans l’une des cuves à cuisson, comme si on avait voulu qu’il y brûle. Je ne vous raconte pas le choc. Personne ne s’expliquait comment une telle chose avait pu arriver dans un si petit village où tout le monde se connaissait. Et où tout le monde aimait Joël.
— C’est d’un sordide !
— Le macabre a toujours subjugué les gens. Il y a encore une plaque à la mémoire de ce policier sur le monument de la place de P. Maigre consolation. Sa vie et sa carrière n’ont plus été les mêmes après cela.
Niveau de satisfaction :
(3,8 / 5)