Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2019 – Québec Amérique
Genres : Roman noir, fantastique
Personnages principaux : Marie Saintonge, héritière d’une maison sur le Massif Bleu – Ric Dubois, couverture médiatique d’un écrivain à succès
Après la mort de son oncle, Marie Saintonge hérite d’une maison située dans le Massif bleu qu’elle surnomme Cold Mountain. Elle décide de s’y installer. Elle découvre alors une demeure sinistre, située au pied de la falaise du Loup dont l’oncle s’est jeté pour se suicider. La baraque est soumise au sifflements du vent et aux grondements d’orgue provenant de la montagne. Ça devient encore plus lugubre lorsque la tempête se lève et qu’une couche de neige de soixante centimètres recouvre tout et isole complètement la maison. Mais le pire survient lorsqu’elle se retrouve avec un pendu dont elle ne sait comment se débarrasser du cadavre. Ces conditions et l’atmosphère du Massif bleu, imposant et effrayant, perturbent Marie jusqu’à la folie.
Les Chutes rouges, proches du Massif bleu, ne sont pas plus accueillantes. C’est ce que constate Ric Dubois lorsqu’il s’installe dans un camping sur les berges de la Red River. Ric représentait devant les médias Chris Julian, un écrivain à succès, avant que celui-ci ne se suicide. Ric décide alors de terminer le roman commencé par l’écrivain. Pour cela il doit s’imprégner de l’atmosphère des Chutes rouges, cadre du roman. Dans un climat de canicule ponctué de furieux orages, des morts violentes se produisent ayant une similitude avec celles décrites dans le roman. De quoi perdre la raison.
Les deux personnages principaux sont des perdants qui n’ont pas réussi ce qu’ils ont entrepris. Ils sont en manque de confiance et n’ont pas une bonne opinion d’eux-mêmes. Fortement perturbés dès le départ, ils basculent dans la folie sous l’influence d’événements traumatisants qui se produisent dans un cadre oppressant. Ce sont deux suicides, celui de l’oncle et celui de l’écrivain, qui amènent Marie et Ric dans cette région maléfique du Massif bleu et des Chutes rouges, un endroit où la nature finit par rendre fous ceux qui étaient étaient déjà bien perturbés.
Le roman est composé de deux histoires indépendantes qui finissent par converger :
– deux lieux proches mais différents : le Massif bleu et les Chutes rouges
– deux saisons : hiver et été
– deux personnages : une femme et un homme.
Sur les deux versants d’une montagne, dans un cadre sombre et menaçant, la femme et l’homme, vont franchir la frontière entre le réel et l’invisible. Le roman bascule alors dans le fantastique et dans l’horreur quand les personnages tombent définitivement dans la folie.
Andrée A. Michaud ne lésine pour provoquer la tension et l’angoisse : il y a la solitude et l’isolement en pleine montagne, un pendu, des suicides, de mystérieuses créatures inquiétantes, un rôdeur qu’on entend mais qu’on ne voit pas, des dessins troublants, des disparitions inexpliquées, des morts brutales et par dessus tout une nature écrasante et inhospitalière. Difficile de se sentir à l’aise dans ce contexte ! Il est facile perdre la raison devant une telle accumulation d’éléments effrayants, surtout quand on n’est spécialement fort psychologiquement. La tempête est autant dans les esprits qu’à l’extérieur. Mais ce qui est assez déroutant, pour le lecteur, c’est de ne plus savoir si on se trouve dans l’univers réel ou dans celui hallucinatoire de la folie.
Si vous êtes d’une sensibilité à fleur de peau, il est préférable de lire ce roman noir et angoissant, marqué par l’obsession de la folie et de la mort, dans un moment de parfaite sérénité, cela vous évitera le risque de chavirer dans un autre monde, comme les héros du roman. Par contre si vous aimez avoir peur et appréciez les atmosphères anxiogènes, ce roman est pour vous.
Extrait :
J’allais atteindre l’un des sommets du Massif quand un éclair a illuminé une paroi rocheuse. Devant moi, quatre personnages gravés dans la pierre depuis des siècles ou des décennies ouvraient grand la bouche pour aspirer l’air qui se raréfiait. Je m’en suis rapproché et, en voyant leurs paupières lourdes de trop de secrets, j’ai compris qu’ils marquaient la frontière entre le réel tel qu’il m’apparaissait et ce versant de l’univers où l’invisible prenait forme. C’est ici que mon destin allait se jouer, sur cette ligne de démarcation qui, si je la franchissais, risquait de me couper du monde des vivants. Je me suis penché sur l’un des visages torturés et j’ai aperçu un objet noir, au pied de la paroi, qui luisait sur un lit de mousse. Le téléphone de Maddy, avec lequel, dans une dernière tentative pour appeler à l’aide, elle avait dû essayer de capter un signal. J’ai ramassé le téléphone, l’ai glissé dans l’une de mes poches, à côté de l’espadrille que j’avais nouée à ma ceinture, et j’ai franchi la frontière qui me séparait de Maddy.
Niveau de satisfaction :
(3,8 / 5)