Les Testaments – Margaret Atwood

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2019 (The Testaments)
Date de publication française : 2019 (Robert Laffont)
Traduction : Michèle Albaret-Maatsch
Genres : dystopie, thriller
Personnage principal : Tante Lydia, exécutrice de Galaad

15 ans ont passé depuis la tentative de fuite de la servante écarlate. La République de Galaad1 continue de préconiser une stabilité sociale fondée sur une hiérarchie sophistiquée et la soumission à l’autorité, particulièrement la subordination des femmes aux hommes. Pour les récalcitrants, on n’hésite pas à pratiquer la torture, la mutilation et la mise à mort. On se débarrasse aussi des intellectuels et des membres de profession libérale (avocat, juge…) qui semblent préférer la réflexion à la foi aveugle. Les dirigeants abusent de leur pouvoir, même entre eux : ambitions démesurées, assassinats systématiques des commandants et des épouses, corruption … Quand chacun se méfie de tous, quand les secrets s’accumulent et risquent d’éclater, et quand la peur s’accroît au point de transformer la paralysie en révolte meurtrière, le régime a du plomb dans l’aile et risque de disparaitre.

Cette histoire de la décadence de Galaad nous est communiquée à travers le récit de trois femmes : le témoignage d’Agnès, élevée dans une famille riche de Galaad; celui de Daisy, fille de Mélanie et Neil, vivant au Canada et dénonçant le régime autoritaire et théocratique de Galaad; enfin, le testament de Tante Lydia, ex-juge qui a failli être victime de la purge des intellectuels et qui dirige maintenant d’une main de fer les destinées de la République, sous l’autorité absolue du Commandant Judd, bien entendu.

Atwood n’a pas de difficulté à entrer dans la peau des trois femmes en question. Les personnages principaux sont convaincants. Les horreurs du régime sont décrites sobrement. Chaque biographie, rapportée alternativement, constitue une sorte de suspense, qui s’inscrit dans la trame générale de l’effondrement de la dictature. Même si nous ne sommes pas envoûtés par l’effet de surprise qui émanait de la prise de contact avec le monde de la servante écarlate, c’est avec beaucoup d’intérêt que nous sommes rivés aux récits des trois femmes, composés avec rigueur et intelligence.

La forme de ce roman est bien différente de la forme de La Servante écarlate, et pourtant il s’agit bien d’une suite qui satisfera ceux et celles qui s’interrogeaient sur le sort de cette servante et de cette dictature théocratique. Et on ne peut pas nier que le risque de sombrer sous une telle dictature existe toujours, comme on peut le constater aux États-Unis aussi bien qu’en Iran. D’ailleurs, à Toronto en 2009, on a accusé La Servante écarlate d’être antimusulman et antichrétien.

1 Dans La Servante écarlate, le nom de la République est Gilead. Le changement s’est produit « pour mieux restituer les tonalités de la langue originale », selon la traductrice.

 Extrait :
Est-ce que je détestais l’organisation que nous étions en train de mettre sur pied ? À un certain niveau, oui : c’était une trahison de tout ce qu’on nous avait appris dans notre vie antérieure, et de tout ce que nous avions accompli. Étais-je fière de ce que nous étions parvenues à accomplir, en dépit des entraves ? Là aussi, à un certain niveau, oui. Les choses ne sont jamais simples.
Pendant un moment, j’ai presque cru que je comprenais ce que je devais croire. Je me comptais parmi les fidèles pour les mêmes raisons que bien des gens à Galaad : parce que c’était moins dangereux. À quoi bon se jeter devant un rouleau compresseur au nom de principes moraux et se retrouver aplati comme une chaussette sans pied ? Mieux vaut se fondre dans la foule, la foule mielleuse qui prie pieusement et se répand en rumeurs haineuses. Mieux vaut lancer des pierres que les recevoir en pleine figure. Ou, disons que, pour rester en vie, c’est mieux.
Ils le savaient très bien, les architectes de Galaad. Les gens comme eux le savent depuis toujours.

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

 

 

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