Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2011 (Éd Marcel Broquet)
Genre : Aventures
Personnage principal : Marc Perard, conseiller en finances
C’est un des premiers romans de Michael Draper, qui s’est surtout fait connaître par les romans suivants qui mettaient en vedette le tueur au grand cœur Réal Beauregard et l’ex-agente de la CIA Lara O’Malley. Dans La Cliente, c’est surtout le conseiller en finances Marc Perard qui est au centre du récit, bien que sa cliente, Eva Gonzales, prétendrait sûrement que le centre c’est elle. D’autant plus qu’elle vient d’hériter de plus de deux milliards de dollars.
À la fin de La Cliente, une amie demande à Marc Perard comment il va maintenant occuper son temps : « Je vais écrire un roman fondé sur mon expérience des trois dernières années, en m’efforçant de ne pas trop le truffer de données financières. Ce sera probablement très difficile ». D’autant plus difficile, en effet, que le travail de Marc consiste à élaborer des stratégies financières qui permettront à Eva de doubler sa fortune en 3 ans, puisque le testament stipule que, après 3 ans, elle devra remettre à son jeune frère le capital dont elle a hérité.
Comme d’habitude, Draper, qui a travaillé comme conseiller en administration publique dans une cinquantaine de pays, puise généreusement dans ses souvenirs pour construire les décors des aventures de son héros : superbes paysages de Costa Rica, des grandes villes européennes, des Caraïbes, de San Jose, Lugano, Hong Kong… et des hôtels de luxe servant de relais à Eva et Marc, qui organisent soigneusement les investissements de la jeune héritière aux quatre coins de la planète. L’atmosphère rappelle certains films de James Bond : Goldfinger, Rien que pour vos yeux, Casino Royale… On fréquente des gens riches et célèbres.
L’oncle Luis, frustré par le testament de son frère, voudra mettre les bâtons dans les roues d’Eva; le jeune frère d’Eva, Pedro, trouve que le délai de 3 ans est trop long; la diaspora haïtienne se méfie des projets d’Eva pour Antilia. Les techniques d’Eva, obsédée par l’appât du gain, soulèvent de sérieuses protestations, dont celle des triades chinoises. Des bombes finissent par causer des dégâts dans des hôtels qu’elle possède. Le fait qu’elle crée des liens avec la pègre pour gérer les casinos entraîne le départ de plusieurs de ses conseillers. Même ses amis, qu’elle traite comme des domestiques (ou, au mieux, des collaborateurs), ont tendance à vouloir la quitter. Parviendra-t-elle à passer à travers ces embûches ? Tel est le véritable enjeu de cette histoire.
C’est vrai que cela a été difficile de ne pas trop truffer le roman de données financières. Eva a été absorbée par ces données, le lecteur et l’auteur également. De sorte que la principale aventure du roman, c’est celle du capital d’Eva. Le lecteur patient pourra apprendre comment des magouilles financières subtiles laissent une marge de manœuvre très étroite aux dirigeants politiques d’un pays. Ou comment il est facile d’être accaparé par le plaisir du gain au point d’y perdre la tête. Mais je ne crois pas que c’est là l’intention de Draper. Il aime plutôt nous faire partager un monde de gens riches et célèbres, qui se promènent dans de luxueuses voitures, logent dans des hôtels 5 étoiles, se régalent aux meilleures tables, baisent avec les partenaires les plus séduisant(e)s et se reposent en contemplant les paysages les plus admirables. Draper voue un culte à la beauté dispendieuse et au raffinement luxueux. Dans les romans suivants, ça va un peu s’équilibrer, mais dans ce cas-ci l’aventure apparaît vraiment comme un prétexte.
Extrait :
Je remontai l’Avenida 9 jusqu’au restaurant Le Balcon de l’Europe. Le menu affiché à l’entrée de l’établissement me parut très intéressant et, inspiré par l’idée de goûter quelque délice à l’italienne, j’optais déjà sans hésitation pour l’escalope de veau.
Installé au bar de l’établissement, tout au fond de la grande salle, j’appréciais l’animation qui y régnait, comme j’appréciais les photos d’époque qui se substituaient avantageusement aux affiches habituelles représentant Positano, Florence ou Venise, dont les restaurateurs expatriés se croient souvent obligés de tapisser les murs de leurs trattorias. Je commandai en apéritif un verre de vin blanc sec et attendis l’arrivée d’Eva Gonzales (…).
Je me souvins des deux premières années de ma propre vie professionnelle, au terme desquelles j’avais décidé que jamais je ne pourrais me résoudre à attendre patiemment quelque promotion au sein d’une entreprise importante, ou la constitution du capital nécessaire à la création d’une petite société dont je serais le patron. La grande entreprise était vite apparue à mes yeux comme une jungle où des énergies considérables devaient être consacrées quotidiennement à l’évitement de pièges et de coups bas, et il était évident d’autre part qu’un capital, si modeste fût-il, ne pourrait être constitué qu’une fois remboursées mes dettes d’études (…).
J’étais perdu dans mes souvenirs lorsque mon regard se figea. Je fermai les yeux, les rouvris, et regardai encore, éberlué. Je ne pouvais manquer de reconnaître la splendide jeune femme qui venait de s’installer à la table no 8, vêtue d’un tailleur Chanel, auquel s’ajoutait, pour tout accessoire, un rang de perles.
Port-au-Prince/Hôtel Montana (vidéo)
Niveau de satisfaction :
(3,4 / 5)