Maharajah – M. J. Carter

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2014 (The Strangler Vine)
Date de publication française : 2019 (10/18)
Traduction : Karine Lalechère
Genres : Historique, aventure, enquête
Personnages principaux : Jeremiah Blake, agent spécial (Compagnie britannique des Indes orientales) – William Avery, jeune officier de la Compagnie britannique des Indes orientales

Miranda Carter est une historienne britannique qui a d’abord écrit la biographie d’Anthony Blunt, esthète et espion, puis une autre sur Les Trois ‘Empereurs’, Guillaume II, Nicolas II et George V. Ce genre d’écrits étant très absorbant, et sa passion pour l’histoire persistant, elle décide d’écrire des polars historiques, où sa marge de manœuvre est plus grande (cf. entrevue avec Henk de Berg, 2018). Le roman Maharajah (mauvaise traduction de The Strangler Vine) est le premier d’une série qui met en scène deux personnages au caractère carrément opposé, l’agent spécial et taciturne Jeremiah Blake et le jeune et fringant William Avery, officier dans l’armée de la Compagnie britannique des Indes Orientales.

Calcutta 1837. L’écrivain flamboyant, pour le meilleur et pour le pire, Xavier Mountstuart, est disparu dans la jungle aux alentours de Jabalpour et de Doora, 1000 km à l’ouest de Calcutta. Ses romans et poèmes sont très populaires mais aussi très critiques de l’attitude des Européens à l’endroit des Indiens, de leurs coutumes, de leurs religions et de leur culture en général. La Compagnie estime nécessaire de le retrouver, ce pourquoi elle charge Blake et Avery de cette mission. Ils seront assistés de l’ indigène expérimenté Mir Aziz, du cuisinier Nungoo et du responsable des chevaux, Samir. Tous les trois travaillent pour la Compagnie.

Pour le jeune Avery, bien élevé, propre, douillet même, au bel uniforme qu’il tient à garder même s’il ne convient pas tellement à ce genre de voyage à cheval sur le Grand Trunk Road, qui n’a rien à voir avec une autoroute, même celles du XIXe siècle. Il pleut continuellement, il fait chaud et les moustiques harcèlent le jeune homme, alors que les autres ne semblent même pas les voir. Carter multiplie les détails du paysage, les fleurs, les arbres, les serpents, les rats et autres bestioles, ce qui ferait un très beau film mais qu’il n’est pas facile de se représenter à la seule lecture. Jusqu’à Jabalpour et la rencontre avec le commandant Sleeman, et après une féroce attaque qui a coûté la vie à Nungoo, nous sommes dans un roman sociogéographique pendant environ 150 pages. On rencontre de beaux paysages, d’étranges autochtones, et on entend les jérémiades continuelles d’Avery, qui s’ennuie de sa sœur et de la chaleur du foyer. Toujours pas de nouvelles de Mountstuart. C’est un peu long.

À partir de Jabalpour et de Doora, Blake et Avery rencontrent plusieurs personnages intrigants : le commandant Sleeman, vainqueur des Thugs, le lieutenant Mauwle, impressionnant écossais qui n’a pas tendance à rigoler, le mystérieux magistrat Hogwood. Peu de nouvelles de Mountstuart, dont Sleeman interdit même de prononcer le nom, et qui, semble-t-il, n’a fait que passer pour remonter peut-être jusqu’à Doora. Pas facile d’entrer à Doora et de rencontrer le rao (prince ou roi indien, rajah). À partir de là, l’action s’accélère et prend un caractère dramatique. Conspiration contre le rao, capture de Mountstuart par des tueurs, évasion en pleine jungle, libération et rebondissements. Explications ultimes et le lecteur est content de ne pas avoir abandonné le récit.

Le souci de l’auteur est trop historique et géographique pour qu’on compare ce roman d’aventures à un roman d’Alistair MacLean. Mais on y a pensé ! Pendant la moitié du livre, on a l’impression que l’aspect thriller n’est qu’un prétexte. Mais le rythme finit par changer. Ça devient une sorte de roman initiatique où des événements dramatiques provoquent la transformation d’un jeune blanc-bec, bébé gâté, narcissique, en une sorte de jeune homme sorti du giron de sa mère. Et rendent ainsi possible que deux individus aussi discordants que Blake et Avery deviennent presque de véritables complices.

Scepticisme vaincu, j’ai bien hâte que soient traduites les prochaines aventures d’Avery et Blake à Londres en 1841-1842.

Extrait :
Vous m’ignorez, monsieur Blake, Vous avez tort. Vous ne savez rien de moi.
Je sais tout ce que j’ai besoin de savoir, répliqua-t-il, une note d’exaspération dans sa voix habituellement si posée. Vous êtes un jeune homme fougueux avec les opinions et la manière de ceux de Calcutta. Vous buvez trop et vous avez mal à la tête presque tous les matins, vous ne parlez aucune des langues du pays, vous ne connaissez rien de cette contrée ni de ses coutumes et vous n’avez rien compris à la scène dont vous avez été témoin au temple. Vous avez tendance à prendre pour argent comptant tout ce que l’on vous raconte, ce en quoi vous n’êtes pas différent de la plupart des nouveaux arrivants. Tout ce que vous pensez et ressentez se lit aussitôt sur vos traits. Laissez-moi vous poser une question : en quoi pouvez-vous m’être utile ? Ah oui : vous venez du sud-ouest de l’Angleterre, si j’en crois votre accent. Le benjamin de la famille. Votre père est un hobereau, vous vous prenez donc pour un gentilhomme, cependant, il a peu d’argent ou vous ne seriez pas ici. Il a des relations au sein de la Compagnie, ou vous ne seriez pas en Inde non plus, mais elles ne sont pas haut placées, ou vous auriez déjà une affectation. Votre mère vous choyait, votre père vous rudoyait, si bien que sous vos fanfaronnades, vous voulez qu’on vous plaigne et vous êtes un pleurnichard.

The Grand Trunk Road

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

 

 

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