Le brasier de Tooley Street – Anne Perry

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2019
(One Fatal Flaw)

Date de publication française : 2020
(Éd. 10/18)

Traduction : Florence Bertrand
Genres : Enquête, thriller, juridique
Personnages principaux : Daniel Pitt, avocat, et Miriam fford Croft, chimiste

Alors que la famille de Brunetti est au centre des romans de Donna Leon, c’est la famille de Thomas Pitt qui anime la longue série d’Anne Perry (une autre étant consacrée au détective William Monk). J’ai rencontré Pitt quand il n’avait pas encore épousé Charlotte (1880). Maintenant, en 1910, sir Thomas dirige toujours la Special Branch, alors que c’est son fils Daniel, âgé de 25 ans et récemment diplômé de Cambridge, qui est devenu le personnage principal, et qui fait ses premiers pas chez fford Croft et Gibson, un des cabinets d’avocats les plus réputés de Londres.

Violent incendie dans les entrepôts qui longent la Tamise : un cadavre est découvert, le crâne enfoncé; Robert Adwell qui aurait été son complice est arrêté et sa fiancée (Jessie Beale) demande à Daniel de le défendre. Ému, Daniel accepte sans réfléchir. Émotionnellement vulnérable, Daniel ne se rend pas toujours compte qu’il appartient à une équipe. La fille de son patron, Miriam fford Croft, formée et cantonnée aux analyses chimiques parce qu’on n’accepte pas encore, en Angleterre, qu’une femme poursuive des études en médecine, accepte de lui donner un coup de main. Elle invite à témoigner son ancien professeur, Sir Barnabas Saltram, expert renommé en médecine légale, aussi compétent qu’arrogant et opportuniste. Il fait valoir le même argument qu’il y a vingt ans, au procès de Sir Roger Daventry soupçonné d’avoir tué sa femme, à savoir que l’éclatement violent d’un incendie est suffisant pour briser certains os du crâne. Avec la même conséquence: une arme n’est pas nécessairement impliquée dans la mort de la victime. Et le même résultat : Daventry est disculpé, de même qu’Adwell. Mais, dans le premier cas, celui qui avait allumé l’incendie (James Leigh) est accusé de meurtre, alors qu’Adwell, qui n’avait jamais admis avoir déclenché l’incendie, est remis en liberté.

Peu de temps après, Adwell meurt de la même façon dans un incendie du même genre. Jessie Beale est accusée et demande à Daniel de la défendre, en même temps qu’elle admet pratiquement avoir commis les deux meurtres. D’où le dilemme : obligé moralement de la défendre, Daniel ne peut tout de même pas l’innocenter. Et, forcé de faire comparaître Saltram, qui utilisera le même argument pour innocenter Jessie, comment s’en sortira-t-il ? Peu après, alors qu’on croit que tout est réglé, l’épouse de James Leigh demande à Daniel de revenir sur le procès de Daventry pour démontrer que ce n’était pas si clair que Daventry n’avait pas tué son épouse et, donc, que son mari, accusé du meurtre et pendu, n’avait pas été nécessairement responsable de cette mort. Son but est d’éviter à son fils et à elle-même le harcèlement et le mépris dont ils sont continuellement l’objet. Dans quel guêpier Daniel acceptera-t-il de se lancer ?

C’est un peu long (parce que répétitif), mais les personnages sont intéressants (une des grandes qualités de Perry) et l’intrigue n’est pas délaissée au profit de considérations morales ou sociologiques. Pourtant, ça parle beaucoup, mais les personnages se définissent justement par leurs paroles, leur philosophie, leur manière d’exprimer leurs émotions, sans s’y complaire, sauf dans le cas de Daniel qui fait souvent penser à un boy scout en détresse. Mais il est encore jeune. Et sa vulnérabilité permet de mettre en valeur son acolyte Kitteridge, ici malheureusement terrassé par une mauvaise grippe, et surtout la jolie et compétente Miriam fford Croft, un peu plus âgée que Daniel, qui a justement besoin d’une mère. Les problèmes sont toujours bien posés, complexes, et leurs solutions audacieuses et satisfaisantes. C’est aussi avec plaisir qu’on revoit Thomas et Charlotte, qui apparaissent surtout comme des parents.

Bref, Anne Perry a encore beaucoup de souffle et n’a rien perdu de son ingéniosité.

Extrait :
– Personne d’autre ne va se battre pour Leigh, n’est-ce pas ? dit-il. Si je me détourne maintenant, je ne pourrai plus jamais marcher la tête haute. Si vous devez me congédier…
Sa voix tremblait.
– … eh bien, faites-le. J’ai donné ma parole à Mrs Leigh.
– Êtes-vous en train de m’offrir une porte de sortie dans la dignité ? demanda Marcus. Ou de m’insulter ?
– Comment ? s’écria Daniel, un instant dérouté.
– Oh ! allez-y donc, espèce de jeune idiot ! s’énerva Marcus. Quand vous aurez rassemblé toutes les pièces, montrez-moi votre dossier et je le soumettrai. Mais laissez Miriam en dehors de tout ça. Elle est bien assez capable de se mettre dans le pétrin toute seule.
– Oui… monsieur.
Daniel était bouleversé, reconnaissant, soulagé et terrifié.
– J’ai une chance qu’elle m’écoute, à votre avis ?
Marcus passa une main dans ses cheveux.
– Pas la moindre, mon garçon, mais essayez quand même.
– Bien, monsieur.
– Qu’est-ce que vous attendez ? Mettez-vous au travail !
– Oui, monsieur !

Brasier sur Tooley Street

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

 

 

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