Par Michel Dufour
Date de publication originale : 1997
(The Bone Collector)
Date de publication française : 1998 (Calmann-Lévy)
Traduction (américain) : Pierre Girard
Genres : Enquête, thriller
Personnages principaux : Lincoln Rhyme et Amelia Sachs
C’est le premier de la série des Rhyme/Sachs, celui qui a inspiré le film avec Angelina Jolie et Denzel Washington et, plus tard, la minisérie. J’avais déjà lu des Deaver, toujours distrayants, toujours un peu tirés par les cheveux et qui doivent toujours beaucoup au hasard. Celui-ci ne fait pas exception, mais il a exigé un travail méticuleux et une recherche poussée.
Rhyme est un criminologue érudit et subtil, malheureusement devenu tétraplégique après une chute qui lui a broyé quelques vertèbres. Fier et solitaire, il songe à la mort et le suicide assisté devient un projet. Mais son vieux collègue et ami, Lon Sellitto, accompagné du jeune flic Jerry Banks, s’efforcent de l’intéresser à un meurtre original qui en annonce bien d’autres. L’assassin laisse volontairement des indices que les enquêteurs doivent déchiffrer pour sauver, ou simplement trouver, la prochaine victime. La police de New York ne connaît qu’un homme capable de rivaliser avec un tueur méthodique, intelligent, avide de jeux cruels. C’est Rhyme, même s’il est cloué dans un lit, quasi immobile. Celui-ci déduit, à la Sherlock Holmes, plusieurs indications sur le meurtre et le lieu où serait retenue la prochaine victime à partir d’un minimum d’indices relevés sur la scène de crime. Puis, il se désintéresse de l’affaire même si Sellitto lui fait promettre de lire le rapport. D’une oreille, il écoute le docteur Berger lui décrire les conditions de son aide au suicide mais, d’un œil, il parcourt le rapport de Sellitto, et semble se faire prendre au jeu. Finalement, à condition d’être assisté sur le terrain par la policière qui a été responsable de la première scène de crime, il s’engage à fournir un certain effort pour aider Sellitto. La policière en question c’est Amelia Sachs qui était sur le point de quitter la police urbaine. On lui ordonne, cependant, d’aider Lincoln, ce qui est loin de l’enchanter.
Commence alors une terrible partie d’échecs meurtrière entre les forces de l’ordre et le désosseur, qui finit par constater que ses adversaires déchiffrent les indices qu’il laisse volontairement un peu trop rapidement. Il redouble de ruse et de cruauté. Amelia risque d’y laisser la peau. Mais, rancunière, elle finit par le prendre personnel et elle supporte davantage le caractère autoritaire de Rhyme qui l’aide à sauver les proies du tueur et à coincer ce dangereux malade. Sauf que, pour le moment, elle est enterrée vivante et sauvée in extremis par Sellitto, alors que Rhyme et le désosseur se retrouvent face à face dans l’appartement du criminologue. On finit par comprendre les raisons du massacre, donc le sens du jeu entrepris par le psychopathe.
Comme le film, le roman est efficace, mais le film n’est pas vraiment une copie du roman. L’atmosphère oppressante est quand même conservée. Beaucoup de personnages, sans doute, mais les principaux sont bien décrits. Le lecteur doit s’attendre à une lecture exigeante : ça ressemble moins à un roman de gare qu’à un cours de criminologie avancée. Les détails techniques sont communiqués scrupuleusement, les observations d’Amelia et les déductions de Rhyme sont rigoureuses. Le personnage de Lincoln Rhyme est d’ailleurs la carte maîtresse du roman et de la série. C’est certain, toutefois, que le hasard donne parfois un coup de main aux enquêteurs, et que les relations entre Lincoln et Amelia manquent un peu de vraisemblance; mais c’est vrai qu’un lien solide doit les rattacher puisqu’ils ont encore une quinzaine d’enquêtes à mener.
Extrait :
Ce n’était pas une branche qui se dressait au sommet du tumulus, mais une main. Le corps avait été enfoui verticalement et on l’avait recouvert de terre, ne laissant dépasser que l’avant-bras, le poignet et la main. Elle regarda fixement l’annulaire : on l’avait dépouillé de sa chair comme on taille un crayon, avant d’enfiler sur l’os mis à nu et encore sanguinolent une bague de femme ornée de diamants.
Amelia Sachs tomba à genoux et se mit à creuser des deux mains, comme un chien qui fait son trou. Tout en projetant des gerbes de terre derrière elle, elle nota que les autres doigts étaient écartés et anormalement recourbés. Elle en conclut que la victime était vivante lorsqu’on lui avait jeté au visage la dernière pelletée.
Et peut-être l’était-elle encore.
Elle continua à creuser frénétiquement la terre meuble, s’entaillant la main sur un tesson de bouteille, mêlant son sang rouge sombre à la terre encore plus sombre. Elle atteignit les cheveux, et au-dessous un front dégarni à la peau bleuâtre, cyanosée par le manque d’oxygène. Elle creusa encore pour dégager les yeux éteints et la bouche, qui s’était tordue en une horrible grimace tandis que la victime luttait pour se maintenir au-dessus de la terre noire qui la submergeait.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)