Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale :
2021 – Éditions de l’Olivier
Genres : Roman noir, thriller
Personnages principaux : Bess, Benedict, Cole, Freeman, habitants d’un coin perdu de l’Alaska
Quand Bess s’est relevée après avoir rattaché ses lacets, le gamin avait disparu. Mais pourquoi donc sont-ils sortis tous les deux en plein blizzard ? Il est trop tard pour le regretter, maintenant il faut le retrouver. C’est aussi ce que se dit Benedict, le père du garçon. En compagnie de son voisin Cole, ils partent en pleine tempête de neige à la recherche de la fille et de l’enfant. Avec le froid, le blizzard et la neige, tous les quatre risquent leur vie, on ne sort pas avec ce temps en Alaska. Dans cette course contre la montre et contre la mort, petit à petit chacun se dévoile.
Le roman commence par une situation de crise : une femme et un garçon de dix ans se retrouvent en pleine tempête de neige et pire la femme a perdu l’enfant pendant une minute d’inattention. Mais l’essentiel n’est pas dans la course poursuite qui s’engage. Cette situation permet à l’autrice de révéler la vraie personnalité de chacun. Au début, il y a un certain flou sur le rôle des protagonistes : Bess est-elle la mère ? Benedict le père ? Les deux sont-ils mariés, amants ? Que vient faire là Freeman, un noir âgé, au milieu de toute cette blancheur ? Tout se décante au fur et à mesure qu’on avance dans l’intrigue.
- Bess est une jeune femme on ne peut plus inadaptée au froid de l’Alaska. C’est une fille originaire de Californie. Ce qu’elle aime c’est la chaleur et le soleil. Elle a détonné quand elle est arrivée avec sa mini-jupe et ses santiags blanches. Les autres la jugent fofolle et elle-même a une piètre opinion d’elle. Elle est marquée par ses échecs, mais elle a des ressources insoupçonnées quand il le faut. Longtemps, on se demande pourquoi elle est là.
- Benedict est au contraire dans son élément en Alaska. Il y est né et il aime ces grands espaces blancs et vides. Lui, ce qu’il ne supporte pas c’est la promiscuité des villes. Avec sa grande stature et sa barbe, il a l’aspect d’un ours. C’est un taiseux, mais il n’est dénué ni de délicatesse ni de sensibilité.
- Cole est arrivé en Alaska, il y a longtemps. Il est maintenant parfaitement intégré. C’est un rustre, misogyne et raciste. Il déteste autant Bess que Freeman. Il partage l’alcool et quelques secrets avec son compère Clifford.
- Freeman, son arrivée a été aussi incongrue que celle de Bess. Personne ne donnait cher de la peau de ce vieux noir dans cet environnement hostile. Mais, à la surprise de tous, Freeman s’est adapté. Son passé de combattant du Vietnam l’a probablement aidé.
Ces quatre personnages prennent la parole à tour de rôle. Fort habilement, par touches successives, Marie Vingtras construit à la fois une intrigue captivante et des portraits saisissants de vérité. L’évolution des personnages entre le début et la fin du roman est considérable. Les drames et les démons de chacun sont révélés au fur et à mesure qu’on avance dans le récit. C’est réalisé avec maîtrise et subtilité. À noter également l’écriture fluide et limpide qui rend la lecture agréable.
Blizzard, récit choral à quatre voix, est un premier roman remarquable. J’espère qu’il sera suivi par d’autres de cette qualité.
Extrait :
Le ciel est encore cotonneux mais déchiré par endroits de zébrures d’un bleu si vif qu’il me donnerait presque envie de pleurer, un bleu pur, comme s’il venait de naître. Tout me paraît si clair, si net autour de moi, les contours de chaque chose dessinés avec tant de précision. Je n’avais pas réalisé à quel point la vue était belle d’ici, à quel point cette nature dépassait tout ce que j’avais connu. J’entends Cole jurer dans mon dos, des sons étouffés, un « c’est pour ton bien » que je ne parviens pas à comprendre. Tout ce que je sais, c’est que je refuse d’être abattue comme un animal. S’il faut mourir, autant regarder la mort en face, sans trembler, comme Benedict l’aurait fait.
Niveau de satisfaction :
(4,5 / 5)
Coup de cœur