Ce qu’il nous reste de Julie – Sébastien Didier

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2021 (Hugo Thriller)
Genres :
Enquête, thriller
Personnage principal :
Sébastien, écrivain

Voici un roman que j’ai beaucoup aimé mais dont, comme chroniqueur, je puis difficilement parler : un des plaisirs de ce roman, en effet, est qu’on nous mène dans un labyrinthe à plusieurs étages et on s’y perd. Pourtant, la lecture est facile et agréable. Le processus utilisé par Didier ressemble à une mise en abysse : c’est assez fréquent, par exemple, de voir un extrait de film dans un film, ou des personnages en train de monter une pièce de théâtre dans une pièce de théâtre. En littérature, dans Les Faux-monnayeurs de Gide, l’oncle Édouard écrit un roman qui s’appelle justement Les Faux-monnayeurs, dont le personnage principal est un romancier.

Dans le roman de Didier, dont l’amour de jeunesse Julie est mystérieusement disparu il y a vingt ans, Sébastien tombe sur un roman de L. J. Dexley, Le Temps d’un été, qui raconte l’histoire d’une jeune fille qui s’appelle Julie, fille de l’hôtelière madame Brunet qui a racheté Le Panoramique (hôtel de luxe sur la côte bretonne) en 1932. En 1938, Julie disparaît au cours d’un orage et sa mère se suicide deux ans après. Or, en l’an 2000, après la disparition de Julie Brunetti (et non pas Brunet), il semble que sa mère, qui gère le Panorama Bay à Sainte-Geneviève, se soit aussi suicidée. Plusieurs autres rapprochements s’imposent entre ce roman de Dexley et l’histoire réelle de Julie Brunetti, telle que racontée par Didier. Ça dépasse les possibilités de coïncidences. Comment se peut-il que cette Dexley (une auteure anglaise qui ne veut pas apparaître en public et dont on ne sait rien) connaisse l’histoire de Julie?

Avant de partir à la recherche de Dexley, éditée par Brown & Noddles, seule information disponible pour le moment, Sébastien, après un exil de 20 ans à Paris, retourne dans son village natal de Sainte-Geneviève pour retrouver ses amis d’adolescence et de jeunesse : Arnaud, Émilie et son frère Vincent, tous les quatre ayant été soudés par amitié avec Julie, tous les quatre dévastés par sa disparition et sa mort probable. Sébastien leur parle du livre, le prête à Émilie qui n’en revient pas elle non plus : tous ont tendance à accepter la version officielle selon laquelle Julie et la jeune Audrey Legendre auraient été tuées par le colossal Étienne Tramard, tueur en série surnommé l’Ogre des sentiers, qui aurait fini par avouer ses crimes, même si ceux de Julie et d’Audrey ne correspondaient pas vraiment à son modus operandi.

Une piste sérieuse mais compliquée se dessine à travers le personnage de Sir Alec Ridgeway, qui entretient une relation amicale avec Julie dans Le Temps d’un été, mais qu’on retrouve également dans une série policière de James Boyd Gallagher. Dans le dernier roman de Gallagher, La Fille du phare (1999), Ridgeway entretient aussi une relation étroite avec une dénommée Juliette. Or, Gallagher s’est beaucoup investi dans ce roman. Se pourrait-il qu’il ait connu Julie pour vrai ? Et sa mère ?

Sébastien, grâce à Vincent devenu guitariste dans un groupe de musiciens, parvient à assister à un Concert Gala qui a lieu au Royal Albert Hall, où doit apparaître parmi les bienfaiteurs L. J. Dexley. La soirée ne se termine pas comme prévu mais Sébastien revient à Sainte-Geneviève en comprenant un peu mieux la situation. Reste à relier ça à la disparition de Julie. Ce qui ne se fera pas sans mal.

Dans le cas de ce roman, c’est le lecteur qui doit faire fonctionner ses petites cellules grises. Les rebondissements ne manquent pas mais, surtout, les moments entre les rebondissements sont pleins d’intérêt : le voyage à Londres, par exemple, et l’émerveillement du concert, l’ambiance grisâtre et menaçante des boisés qui grimpent vers les ruines de la Rocca Gravièra, l’atmosphère de l’hôtel enchanteur, qu’il s’agisse du Panoramique en Bretagne ou du Panorama Bay à Sainte-Geneviève.  Et Didier est si personnellement impliqué qu’on finit par croire que cette histoire est vraiment son histoire. D’aucuns lui reprocheront peut-être une certaine forme de sentimentalisme, mais pas ceux qui ont eu la chance de vivre une jeunesse intense avec des amis qu’ils continuent de fréquenter 20 ou même 40 ans plus tard.

Bref, un roman émouvant et stimulant.

Extrait :
Disparition de Julie Brunetti et Audrey Legendre : une battue de la dernière chance ?
Plus de cent cinquante gendarmes et deux cents pompiers, secouristes et bénévoles vont être mobilisés dès ce samedi pour une gigantesque battue dans l’espoir de retrouver les  corps des deux victimes présumées d’Étienne Tramard. L’homme, soupçonné de huit meurtres, est actuellement incarcéré à la maison d’arrêt de Nice depuis le mois d’août. D’après des sources proches de l’enquête, il ne reconnaîtrait toujours pas son implication dans la disparition des deux jeunes Azuréennes. Pourtant les analyses ADN réalisées sur le sac à dos de Julie Brunetti semblent bien confirmer sa présence sur les lieux. Les forces de gendarmerie ont prévu couvrir une zone plus large que celle déjà explorée à plusieurs reprises ces dernières semaines, en remontant plus haut dans la montagne. D’après le commandant Yves Drancourt, en charge de la coordination des recherches pour la gendarmerie de Sainte-Geneviève, le relief montagneux et escarpé de cette zone ainsi que les pluies diluviennes qui ont touché la région depuis le début du mois compliquent sérieusement la tâche des enquêteurs.

Côtes bretonnes, Pointe du Corsaire

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)
Coup de cœur

 

 

Ce contenu a été publié dans Coup de Cœur, Enquête, Français, Thriller. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.