Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2020 – Taurnada Éditions
Genre : Roman noir
Personnages principaux : McCoy, gardien de prison et bourreau au Texas – Ed 0451, condamné à mort
Huntsville, Texas.
Dans la prison de Walls, le détenu Ed 0451 sera exécuté dans quatre heures. Son sort repose dans les mains du gouverneur du Texas, Russell Thompson, 34 ans, qui doit se prononcer pour accorder ou rejeter sa grâce. Pour l’aider à prendre sa décision, le gouverneur demande à s’entretenir avec le gardien exécuteur de peine, c’est-à-dire le bourreau. Il s’agit de McCoy, le Vieux cow-boy, comme l’a surnommé Ed. La mise à mort de Ed sera sa dernière exécution avant sa retraite. Pendant quatre heures McCoy va raconter sa vie de gardien et d’exécuteur dans le couloir de la mort. Il bouscule les certitudes du gouverneur. Il le malmène, le provoque, lui raconte les horreurs et les injustices qu’il a vécues. Tout ce que ne voulait pas entendre le gouverneur. Pendant ce temps autour de la prison c’est le chaos : les pro et les anti-peine de mort s’affrontent. Il y a même des conflits à l’intérieur de chaque groupe tellement le cas de Ed est clivant et déchaîne les passions. Ed a commis cinq meurtres de sang-froid, mais il n’a pas abattu n’importe qui.
Ed, à 18 ans, était un jeune marié et un homme plein d’enthousiasme et de naïveté qui croyait qu’il y avait deux camps bien tranchés : celui du bien et celui du mal. Lui avait choisi le camp du bien, celui des policiers et des gardiens très nombreux à Huntsville, la ville des uniformes, un haut lieu de la défense contre le mal. Le mal c’était les délinquants et les noirs. Souvent les deux. Mais, petit à petit il s’est aperçu que le système ne fonctionnait pas, qu’il était défaillant et injuste. Dégoûté, il a décidé de rétablir l’équilibre à coup de fusil à pompe. Il a ainsi éliminé cinq nuisibles. Il a estimé que c’était son devoir de le faire, que c’était logique et juste. Il accepte de payer pour ça, il s’est laissé arrêter, il refuse de se défendre, il garde le silence. Il a le sentiment de ne pas se sacrifier pour rien, d’avoir choisi dans quel monde il aurait voulu vivre et d’avoir contribué à le rendre meilleur.
McCoy a passé plus de 40 ans dans le couloir de la mort. Il a vu condamner à mort des hommes qui avaient tué par accident et des tueurs en série cyniques s’en sortir. Dans ce monde de violence, de souffrance, d’humiliation et d’injustice, lui aussi est désabusé. Il sait que le système fonctionne mal. Il éprouve plus d’estime envers le condamné Ed 0451 qu’envers le gouverneur du Texas.
En exergue du livre la phrase : « Traiter de la peine de mort, c’est d’abord plonger dans l’horreur. » C’est ce que fait ce livre. Les personnages sont fictifs, mais les lieux et procédures décrits sont bien réels, ainsi que le fonctionnement du système carcéral au Texas. C’est un roman dur, perturbant mais aussi édifiant. En outre, cette réflexion sur la peine capitale est pleine d’émotions et finalement profondément humaine. Ce livre a obtenu le Prix du roman noir des bibliothèques et des médiathèques de Grand Cognac 2021.
Extrait :
– Ne dépassez pas certaines limites », fit Thompson, menaçant.
« Sinon quoi ? Vous n’avez pas le droit d’être ici. Vous devriez être dehors à tenter de calmer tout ce bordel. Si, malgré tout, vous restez planté là, c’est que vous savez qu’un système aussi pourri finira par s’écrouler sur lui-même tôt ou tard et que, comme vos amis français l’ont fait par le passé, un de ces jours, des gens en colère risquent de balader votre tête au bout d’une pique dans les rues d’Austin ou de Washington. La tête de tous ceux qui ont assez de fric ou de bagout pour se servir des autres, leur marcher dessus et sauver leur peau quoi qu’ils fassent.
– Pourtant, Sutton n’avait pas de fric pour sauver sa tête.
– Non, mais il jouait sur le deuxième nerf de la guerre : les médias. Si Sutton n’avait pas été tueur en série, il aurait pu devenir homme politique avec ses belles paroles et son opportunisme. Il a profité de son procès pour attirer les médias avec sa cruauté et son cynisme puis il les a maintenus en haleine avec sa belle histoire de repentir. Ça, ça plaît chez nous, le repentir. Et enfin, il les a complètement mis dans sa poche avec son rôle de messie prêchant l’amour entre les hommes. Il s’est toujours débrouillé pour orchestrer des coups de théâtre aux dates clés de ses procédures en appel.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)