Sherlock Holmes et les Protocoles des sages de Sion – Nicholas Meyer

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2019
(The adventure of the Peculiar Protocols)
Date de publication française : 2022 (L’Archipel)
Traduction (américain) :
Sophie Guyon
Genres :
Aventure, enquête
Personnages principaux :
Sherlock Holmes et Dr Watson

Les amateurs de Holmes (j’en suis) sont souvent déçus par des résurrections de notre héros prometteuses mais ratées. À ma connaissance, les deux écrivains qui s’en tirent le mieux sont le Français René Réouven et l’Américain Nicholas Meyer. Ce roman-ci est le dernier de Meyer.

Le 6 janvier 1905, Holmes fête son cinquantième anniversaire. Avec Watson, remarié depuis deux ans et qui ne vit plus avec Holmes, ni ne participe à ses enquêtes, il est convoqué au Club Diogène (en réalité, le quartier général du Foreign Office) par Mycroft, le frère aîné de Holmes. Une agente des Services secrets britanniques a été retrouvée dans la Tamise en possession d’un document : Les Protocoles des sages de Sion. Il s’agirait du procès-verbal d’une réunion tenue par des complotistes juifs qui viseraient à dominer le monde et à imposer une seule religion : la leur. C’est une époque où la communauté juive est privée d’un pays qui lui soit propre. Or, face à l’antisémitisme qui sévit contre les Juifs un peu partout dans le monde (cf. l’Affaire Dreyfus), le mouvement sioniste réclame un État propre aux Juifs, en Palestine (Herzl) ou ailleurs. Il s’agit donc de retrouver l’origine du document en question pour savoir s’il s’agit d’un faux ou s’il correspond aux desiderata du mouvement sioniste.

Après une étude rapide du document, Watson et Holmes empruntent l’Orient-Express pour filer vers la Russie. Très belle description de ce fameux train, où Holmes n’y rencontre évidemment pas Poirot qui le prendra beaucoup plus tard. Les accompagne, la jolie militante Anna Walling (Strunsky) qui leur servira de traductrice, et qui fondera bientôt aux États-Unis, avec son mari L’Association nationale pour la promotion des gens de couleur. À l’aller comme au retour d’Odessa, se multiplieront les embûches où nos héros risqueront plus d’une fois leur vie.

C’est toujours un vif plaisir de retrouver l’étonnante subtilité de Holmes et la touchante naïveté de Watson. Dans le roman sur Le fantôme de l’Opéra, Meyer avait profité de l’occasion pour reproduire la vie et les acteurs du monde artistique de la fin du XIXe siècle (particulièrement à Paris autour de l’Opéra Garnier). Dans ce roman-ci, c’est le contexte politique du début du siècle qui est mis en évidence, particulièrement les problèmes en Russie suite à la guerre russo-japonaise et à la révolte du cuirassé Potemkine. L’élément constant c’est la répression de la communauté juive, dont Les Protocoles restent une arme redoutable malgré (et, peut-être, à cause de, dirait Mycroft) leur fausseté.

À vrai dire, le souci sociopolitique de Meyer me semble être ce qui était le plus important pour l’auteur, ce qui relègue un peu au second plan l’aspect proprement dramatique, l’intrigue cousue de fil blanc, et les personnages stéréotypés.

Ça n’en  reste pas moins une agréable lecture.

Extrait :
– La Russie est un lieu primitif, poursuivit le professeur Weizmann [1]. Les légendes et les superstitions y prennent facilement racine et prolifèrent. Si, sur les photographies, le tsar semble être le jumeau de son cousin germain, votre prince de Galles – n’oubliez pas qu’ils ont tous deux la reine Victoria pour grand-mère – la ressemblance s’arrête là. Le tsar est un ignorant et un arriéré, totalement sous la coupe de son épouse tout aussi inculte, laquelle s’entoure de saints hommes déments à qui elle confie les rênes de la politique. Quand le grand Houdini se produisit à leur cour il y a un an, il stupéfia tout le monde en faisant sonner les cloches du Kremlin, ce qui n’était pas arrivé depuis des centaines d’années. Le tsar et sa cour s’agenouillèrent en tremblant et se signèrent, et Houdini fut révéré comme un saint.

[1] Le professeur Charles Weizmann (maître de conférences de chimie à l’université de Manchester) devint le premier président d’Israël en 1949.

L’Orient Express en 1905

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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