Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2022 – Flammarion
Genre : Roman noir
Personnages principaux : Pierre Roussin, architecte – Bruno, écrivain
En ce début d’hiver 1984, dans le village Les Confins, la majorité de la population se prépare à quitter les lieux. Seuls quelques habitants restent sur place et passent l’hiver complètement isolés, car les autorités ont décidé de fermer jusqu’au printemps la seule route qui dessert le village, trop dangereuse en cette période. Bruno et Corinne font le trajet inverse : ils prennent le dernier bus qui monte aux Confins avant la fermeture de la départementale. Ils vont passer l’hiver là-haut. Bruno est écrivain, son premier livre a été un succès. Il cherche l’isolement pour écrire son second livre que lui réclame son éditeur. Il l’a trouvé dans cet endroit coupé du monde pendant plusieurs mois. Avant de devenir ce trou paumé, Les Confins ont failli devenir une station élégante et respectueuse de l’environnement sous l’impulsion de Pierre Roussin, un architecte habité par ce projet. Le programme avait fort bien démarré avant de connaître une inexplicable série d’accidents qui avaient fait capoter l’opération. Certains, dans le village, savent très bien pourquoi, Pierre Roussin, lui, ne le savait pas.
L’intrigue se déroule sur deux périodes en alternance : les années 1964 à 1966 qui ont vu démarrer, réussir en partie, puis finalement s’effondrer l’ambitieux projet de station de sports d’hiver de Pierre Roussin et l’hiver 1984 qui voit un étrange couple de citadins venir se cloîtrer, en compagnie d’une poignée d’habitants, dans ce village isolé. Dès le début on sait que durant cet hiver 1984 des évènements dramatiques vont se dérouler puisque l’auteur l’annonce d’entrée. L’intérêt de l’intrigue tient au fait que l’on ne sait pas pourquoi, pas plus qu’on ne sait comment on va en arriver à ce triste résultat. On le découvre au fil du récit qui fait un lien entre les deux périodes et par la découverte des personnages et surtout par ce qu’ils cachent.
Dans les personnages, il y a un beau ramassis de salauds, achetés et manipulés par un chef qui tire les ficelles dans l’ombre. Tous ces gens n’ont pas bonne conscience et en plus on les a privés de l’alcool qui d’habitude les aide à oublier leurs turpitudes. En effet le camion qui devait livrer les centaines de bouteilles d’alcool avant la coupure de la route n’est pas arrivé pour une raison inexpliquée. Un vrai drame pour ces gens. On va aussi découvrir la vraie identité de Bruno dont l’objectif n’est pas seulement d’écrire un livre. Seul l’architecte Pierre Roussin est un personnage positif et sympathique. Mais ce sera une victime des vautours qui ne recherchent que le profit.
L’écriture est incisive, ironique et sarcastique. Elle installe une distance avec les évènements décrits. Au passage l’auteur fait un sort aux réalisations du Plan neige de l’année 1964, « un grand programme d’aménagement du territoire alpin pour en tirer le maximum de profit ». Plan qui a vu naître de grands ensembles de béton qui ont défiguré la montagne, mais qui ont rapporté gros à quelques profiteurs.
Les Confins est un bon roman noir, pourvu d’une belle ambiance vénéneuse, distrayant, mais aussi édifiant sur la cupidité et la recherche coûte que coûte du profit. Excellent premier roman.
Extrait :
Il faut maintenant rappeler que le village des Confins n’a pas toujours été ce coin reclus décrit plus haut. Car auparavant, dans les années soixante, on avait rêvé d’y ériger une station de sports d’hiver, sous l’impulsion d’un entrepreneur astucieux qui avait deviné en ces lieux un attrait touristique indiscutable. À l’aube du tourisme de masse, Pierre Roussin, architecte et ingénieur de formation, avait plusieurs décennies d’avance sur les comportements du marché et rêvait déjà de structures à taille humaine et tournées vers la nature.
Pierre a une petite quarantaine d’années à l’époque où le gouvernement français lance le « plan neige », un grand programme d’aménagement du territoire alpin pour en tirer le maximum de profit. Un profit roi au mépris de bien des gens, des terres ou des bêtes. Et partout le béton coule sur les deux Savoie. On remodèle les massifs à la dynamite pour y loger de grands ensembles. Les investissements sont colossaux, l’empressement avide, les premiers résultats aussi terrifiants que prometteurs. Pierre Roussin pense à contre-courant. Et en cela il voit plus petit mais plus loin. Il voit plus beau aussi.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)
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