Billy Summers – Stephen King

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2021 (Billy Summers)
Date de publication française : 2022 – Albin Michel
Traduction (américain) :
Jean Esch
Genres :
Thriller, roman noir, récit de guerre
Personnages principaux :
Billy Summers, tueur à gages – Alice Maxwell, jeune femme violentée

Billy Summers est un tueur à gages particulier : il ne s’occupe que des méchants. Que des méchants le paient pour liquider d’autres méchants, lui paraît normal. Il se voit comme un éboueur armé d’un flingue. Même pour un contrat à deux millions de dollars, comme on vient de lui proposer, il s’assure que sa cible est bien un méchant. C’est bien le cas puisque c’est un autre tueur à gages. Billy est aussi un type prudent, il se méfie de ses commanditaires. Une fois son contrat rempli, il choisit sa propre solution de repli et non celle prévue par ses associés. Il se terre dans un petit appartement au cœur d’un quartier à l’abandon. C’est de là qu’il assiste à un évènement qui va le contrarier, car il risque d’amener la police dans les parages : une fille est jetée d’une voiture sur la route comme un vulgaire déchet. Billy recueille la fille, plus pour préserver sa tranquillité que par altruisme. La fille a été droguée et violée par trois sinistres individus. C’est ainsi qu’Alice entre dans la vie de Billy, ce qui n’était pas prévu dans le scénario imaginé par le tueur.

L’intrigue concoctée par Stephen King est consistante. Elle est composée d’une partie thriller qui montre Billy dans son activité de tueur à gages. Une autre partie est un récit de guerre : dans une période antérieure, Billy était dans les Marines et participait à la guerre en Irak. Dans une troisième partie, l’auteur aborde ici un des thèmes récurrents dans ses livres : la condition d’écrivain, l’envie de coucher sur le papier sa propre histoire et le désir d’être lu, ne serait-ce que d’une seule personne. Un moyen aussi d’évacuer des traumatismes, ceux laissés par la guerre par exemple. L’écriture devient ainsi une thérapie. Qui aurait pensé qu’un tueur à gages serait possédé par le démon de l’écriture ?

Les personnages, comme d’habitude chez Stephen King, sont hauts en couleur. Billy Summers, lorsqu’il était dans les Marines, était sniper. Il était capable d’atteindre une cible humaine à plus d’un kilomètre. Redevenu civil, c’est tout naturellement qu’il a continué à exploiter ses qualités de tireur d’élite en devenant tueur à gages, mais il exerce ses talents avec éthique : il n’accepte de liquider que ceux qui le méritent, les plus malfaisants d’entre nous. Et ils sont nombreux dans le milieu que fréquente Billy, il ne manque pas de boulot ! Billy aime jouer le personnage de Billy l’Idiot : il laisse penser qu’il est un peu demeuré, il affiche une débilité apparente qui rassure ses commanditaires qui voient en lui un tireur exceptionnel, mais aussi un gars pas très futé, donc facile à manipuler. Mais au contraire Billy est malin et prudent. Il est même cultivé. Alors qu’il fait croire qu’il ne lit que des bandes dessinées, il lit Thérèse Raquin d’Émile Zola. Il a lu Dickens, Faulkner, Daniel Keyes et d’autres.
Alice Maxwell, vingt et un ans, voulait voir du pays et acquérir son indépendance. Elle est tombée sur un type charmeur qui l’a faite rire. Mais la suite est moins agréable : elle a été droguée et violée par trois hommes, puis jetée dans le caniveau devant l’appartement où se terre Billy. Elle aurait pu mourir là si Billy ne l’avait secourue. Finalement Alice va remonter lentement la pente et se montrer résiliente, courageuse et même utile dans les projets de Billy.

L’écriture est claire et agréable. L’ironie habituelle de l’auteur et son humour sont aussi bien présents. Ainsi vous apprendrez un truc infaillible pour surmonter les crises de panique : il faut chanter la chanson enfantine le pique-nique des oursons. Ça marche à tous les coups d’après Billy.

Ce nouveau roman voit un changement notable par rapport aux livres précédents de l’auteur : ici pas de fantastique ou d’horreur, Billy Summers est un vrai thriller-roman noir. On y retrouve par contre l’art de raconter et de construire des personnages originaux et colorés qui sont la marque de Stephen King. Le seul petit reproche que je pourrais faire à l’auteur c’est le fait de se regarder un peu le nombril en incluant à ce récit une partie comment devient-on écrivain, pas forcément indispensable, mais pas non plus incongrue dans le contexte puisque le tueur se fait passer pour un écrivain lorsqu’il est installé à l’affût de sa prochaine victime.

Billy Summers est un thriller rythmé, avec de l’action et du suspense, mais il y a aussi une part de réflexion et beaucoup d’humanité dans ce livre.

Extrait :
– Je suppose que c’est plus compliqué que ça. 

Elle suppose bien, mais Billy n’a pas envie d’en dire plus ; il ne veut pas entrer dans les détails des contrats qu’il a effectués pour Nick ou d’autres. Il n’a jamais parlé de tout ça, à personne, et il est effrayé d’entendre cette partie de sa vie racontée à voix haute. C’est sordide et stupide. Alice Maxwell, élève d’une école de commerce ayant survécu à un viol, est assise à bord d’un vieux pick-up à côté d’un homme qui gagne sa vie en tuant des gens. C’est son putain de métier. Va-t-il tuer Nick Majarian maintenant ? Si l’occasion se présente, très certainement. D’où cette question : tuer pour l’honneur est-il plus respectable que tuer pour de l’argent ? Sans doute que non, mais ça ne l’arrêtera pas.

Le temps que Billy gravisse les marches qui mènent à la terrasse, Metallica a été remplacé par Tom Waits qui croasse « Sixteen Shells from a Thirty-Ought-Six ». Il s’arrête sur le seuil. Bucky et Alice sont en train de danser dans la grande pièce.

Tom Waits – Sixteen Shells from a Thirty-Ought-Six

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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2 réponses à Billy Summers – Stephen King

  1. Hedwige dit :

    Voilà c’est tout à fait ça, tellement bien dit que j’aurais voulu l’écrire !

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