Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2020 (Trofee)
Date de publication française : 2022 – Actes Sud
Traduction (néerlandais Belgique) : Benoît-Thaddée Standaert
Genre : Roman noir
Personnage principal : Hunter White, chasseur de trophées
Hunter White, financier américain de haut vol, est aussi un éminent chasseur de trophée. Il a acheté une licence pour pouvoir tuer le rhinocéros noir qui manque à son palmarès. En Afrique, son ami et guide de chasse Van Heeren a tout organisé pour lui. Sur place la chasse est perturbée par des braconniers. Hunter est contrarié et déçu, alors le guide lui propose une autre chasse avec un gibier vraiment exceptionnel. Un safari vraiment extraordinaire dans lequel le chasseur devra s’investir à fond et mettre sa vie en jeu. Hunter, très excité, ne peut laisser passer une telle offre qui représente pour lui le summum de la chasse. Cette décision va modifier son destin.
L’autrice nous présente d’abord la chasse aux animaux sauvages et ceux qui s’y adonnent. Dans un premier temps, le chasseur passionné qu’est Hunter est présenté positivement : c’est un puriste, il pratique son sport avec éthique et respect pour les proies. Il méprise les vantards qui posent devant les caméras, un pied sur le cadavre d’un gros animal. Il nous est aussi expliqué que la chasse au trophée est la seule forme viable de conservation de la nature et la seule méthode qui permette de préserver l’avenir des espèces menacées. Dans un monde où l’argent régente tout, celui apporté par les riches chasseurs est une ressource vitale pour les pays pauvres. Ce paradoxe peut faire grincer des dents les membres des organisations de défense des animaux. Mais petit à petit la belle image du colon blanc bienfaiteur des populations indigènes s’estompe pour montrer un autre visage : celui des exploiteurs. Au fil des pages, le lecteur normal, même pas militant, se pose quand même des questions sur les instincts qui animent ces gens riches qui jouissent de massacrer des animaux qu’eux-mêmes trouvent magnifiques : sentiment de puissance exacerbé, besoin irrépressible de domination, preuve de virilité ? Que penser de Hunter qui a offert à sa future femme une girafe empaillée qu’il est allé tuer en Afrique et que penser de celle qui a accepté un tel cadeau ? Des gens hors du commun ou plus communément des malades mentaux ?
La partie finale de l’intrigue bascule dans l’atroce. Le dernier chapitre, très cinématographique, est horrible et magnifique de noirceur.
Ce livre pose beaucoup de questions, c’est au lecteur de trouver les réponses. Il est question de vie et de mort, de colonialisme, de croyances et coutumes ancestrales, de la relation avec la nature, avec les animaux … L’autrice montre des gens, la façon dont ils agissent, les conséquences qui en résultent, mais jamais elle ne prend parti. Pas de jugement, pas de critique, juste des faits qui suscitent la réflexion.
Le trophée est un livre écrit avec talent et superbement traduit. Roman noir et puissant, mais assez déstabilisant, tant sa forme que dans son fond.
Extrait :
Jeans boit une gorgée de sa bouteille. Sa léthargie apparente a fait place à un vif désir d’échange, la discussion le ranime.
“Que pensez-vous qu’il va arriver aux hommes qui ont tué votre rhinocéros ? Peu importe qui les attrapera, la police ou les gardes forestiers. L’armée abat chaque année plus de braconniers pour protéger votre gibier que les braconniers ne tuent de rhinocéros. Ordre du gouvernement. Pour protéger l’économie. Cette chasse à l’homme est un sous-produit de la chasse au trophée. Et qui paie pour cela ?”
Jeans le nargue à présent sans aucune gêne.
“Vous. Avec chaque dollar que vous dépensez pour la prétendue conservation de la nature.”
Le goût aigre remonte à la bouche de Hunter, et cette fois la bière tiède ne suffit pas à le faire disparaître. Il n’aime pas la tournure que prend cette conversation. Ce qu’il voulait obtenir de Jeans, c’était l’indignation. La colère. Tout sauf ça.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)