Dracula fait maigre – Stuart Kaminsky

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 1980 (Never Cross a Vampire)
Date de publication française : 2000 (10/18)
Traduction (américain) :
Simone Hilling
Genre : Enquête
Personnage principal :
Toby Peters, détective privé

Formé en journalisme, lettres et cinéma, Kaminsky est marqué par la nostalgie de l’âge d’or du cinéma hollywoodien. C’est dans ce milieu que travaille son détective privé Toby Peters, pour lequel il a écrit 24 romans. D’où sa tendance à intégrer dans ses histoires des personnages que le cinéma ou la littérature des années 40 et 50 nous ont fait connaître. Dans ce cas-ci, il sera question de Bela Lugosi, l’incarnation paradigmatique du vampire, et de William Faulkner, l’auteur de Sanctuaire et de Le bruit et la fureur.

Nous sommes en 1942 à Los Angeles. La guerre rend difficile la vie des Américains qui bataillent ferme contre les Japonais. C’est particulièrement vrai pour Toby Peters, détective privé fauché et mal foutu, qui n’hésite pas à accepter deux affaires en même temps : d’abord, tenter de démasquer le harceleur qui envoie des lettres de menaces (et même une chauve-souris empaillée) à Bela Lugosi; puis, essayer de disculper William Faulkner d’une accusation de meurtre.

Les menaces contre Lugosi proviennent apparemment d’un des membres des Chevaliers noirs de Transylvanie, un groupe de jeunes vampires en herbe, qui se rencontrent de temps en temps pour se raconter des histoires, probablement noires; Peters enquêtera sur chacun d’entre eux. L’accusation contre Faulkner semble mal partie pour lui, parce que l’épouse du mort et le mort lui-même le désignent comme l’assassin. Peters devra mettre plus d’énergie sur cette affaire compliquée où il risquera sa vie plus d’une fois. Croyant avoir découvert le véritable assassin de l’agent littéraire Jacques Shatzkin, Peters le retrouve victime d’un pieu enfoncé au milieu de son corps. Pendant un instant, on a l’impression que les deux enquêtes se recouperont. Élucidant le mystère Faulkner et écartant la supercherie du pieu injustement soupçonné, Peters désigne la personne responsable du meurtre de Shatzkin et confond celui qui cherchait à effrayer Lugosi.

Heureux, Faulkner et Lugosi promettent à Peters de lui régler ses honoraires plus tard…

D’abord, on a bien affaire à un Bela Lugosi vieillissant et non à Dracula; ce n’est pas un roman d’horreur. Au contraire, il s’agit même d’un roman plutôt léger, assaisonné de quelques pointes d’humour, dans un style qui rappelle, en un sens, les romans hard boiled de l’après-dépression, de Chandler et de Dashiell Hammett, par exemple, avec qui Kaminsky était d’ailleurs ami. Même genre, en effet, de détective magané, fauché, assez intelligent, malchanceux avec les femmes, mais honnête et tenace. Le contenu qu’on pourrait considérer comme violent est atténué par le comportement décontracté du détective dont la victoire finale n’est jamais mise en doute. Pour les amateurs de littérature noire et de films policiers hollywoodiens, c’est certain que la fréquentation de légendes comme Bela Lugosi et William Faulkner est un plus véritable. C’est d’ailleurs devenu la marque de commerce de Kaminsky que de nous faire connaître de l’intérieur (pourrait-on dire) les grandes vedettes de Hollywood.

Kaminsky parvient à éviter la monotonie des interrogatoires successifs en introduisant beaucoup d’action et en insistant sur la vie personnelle du détective, attachant du fait qu’il est un peu comme tout le monde, vulnérable mais résilient. Un certain humour, gris plutôt que noir, fait aussi partie des armes de l’auteur, et tient un peu le lecteur à distance. D’où la légèreté de l’ensemble, plutôt que le choc émotif. En résumé : un roman plaisant.

Extrait :
– Je comprends vos sentiments, dis-je en grattant le bout de mon crayon pour dégager un peu de mine.
Malheureusement, continua Faulkner d’une voix douce, je n’ai pas besoin de sympathie. J’ai besoin de l’aide d’un professionnel. Mon inclination me porte simplement à me mettre en colère et à demander qu’on me libère, mais on dirait que quelqu’un a veillé à ce que ce soit impossible.
Vous voulez dire qu’on vous a piégé ? dis-je pour rester dans la conversation.
Considérez l’alternative, reprit-il. Ou bien c’est ça, ou bien je suis devenu fou, ce qui, certes, est possible, étant donné l’état du monde, mais je doute que ma folie aille se manifester en attaquant un agent littéraire. Il serait beaucoup plus vraisemblable que j’attaque un éditeur.

Bela Lugosi

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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