Le lac de nulle part – Pete Fromm

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022
(Lac Nowhere)
Date de publication française : 2022 – Gallmeister
Traduction (américain) :
Juliane Nivelt
Genre :
Aventures
Personnages principaux :
Trig et Al, frère et sœur jumeaux

Après deux ans sans contact avec ses enfants, Bill leur propose une nouvelle aventure, comme autrefois, quand il n’était pas encore séparé de son épouse, et qu’ils étaient alors quatre. Ses enfants sont des jumeaux, prénommés Trig, comme trigonométrie, pour le garçon et Al, comme algèbre, pour la fille. Bill était professeur de mathématiques. Trig vient de perdre son emploi, il vit pour l’instant dans sa voiture. Al est installée à Denver où elle multiplie les partenaires sexuels. Les jumeaux acceptent la proposition de leur père, surtout pour se retrouver ensemble tous les deux. Ils vont passer un mois à naviguer en canoë sur les lacs du parc provincial Quetico au Canada. Ce qui inquiète un peu les jumeaux c’est qu’on est fin octobre, c’est un peu tard pour faire du canoë. Bill balaie cette réserve d’un : « Si tu attends un beau jour, tu attends toujours ». Malgré quelques incidents de dernière minute concernant les bagages, les voilà repartis à l’aventure, comme au bon vieux temps.

L’auteur met en scène une expédition à trois, un huis clos à ciel ouvert. Si les jumeaux s’entendent parfaitement, on s’aperçoit rapidement que quelque chose ne colle pas avec le père. D’abord ils le trouvent bizarre : alors que c’est un aventurier confirmé, qu’en général il se prépare méticuleusement ne laissant rien au hasard, cette fois il semble perdu et absent et pas vraiment prêt pour un tel périple. Les jeunes n’arrêtent pas de s’interroger sur le but et les raisons de ce voyage qui leur semble précipité. Quand ils questionnent leur père, celui-ci élude, noie le poisson. En plus de ne pas connaître le trajet prévu, ils n’ont pas de cartes. Le père se borne à affirmer qu’ils vont faire une grande boucle. La méfiance s’installe entre le père et ses enfants. Elle devient même de l’hostilité, surtout entre Bill et sa fille Al. Entre le frère et la sœur, c’est l’occasion de se souvenir de leur enfance, mais plus étonnant, de découvrir des évènements douloureux que l’une a vécus et que l’autre ignorait.

Les premiers jours se passent bien, il fait beau. Mais quand les températures commencent à baisser, que le brouillard, le vent, la pluie et le froid s’installent, les conditions de navigations deviennent difficiles. Elles empirent au fil des jours quand arrivent la neige et la glace. La gentille expédition récréative se transforme en opération de survie.

L’auteur montre un grand talent pour nous dépeindre ce périple et son évolution. Nul doute qu’il a lui-même pratiqué ce genre de randonnée aquatique, tant ses descriptions sont précises et détaillées. Il nous plonge en pleine nature, sur les lacs, dans les forêts. Il nous fait ressentir pleinement l’humidité, le froid, les abris précaires, le réconfort du feu et la fragilité humaine quand les éléments deviennent hostiles.

Dans ce roman d’aventures très bien réalisé, Pete Fromm introduit dans sa partie finale le mystère et le doute, ingrédients du roman policier classique. La qualité de l’écriture (et de la traduction) ainsi qu’un humour subtil mais bien présent sont les autres qualités de ce récit. Le lac de nulle part est un livre hautement recommandable.

Extrait :
Je me fraye un passage jusqu’au lac, retire mes moufles afin de me livrer à mes ablutions matinales, contemple la surface sombre et statique. Dieu merci, des volutes de brume flottent au-dessus de l’eau. Le lac est trop vaste pour geler en une nuit. De la glace borde le rivage, craquelle sous ma chaussure, une bonne nouvelle à laquelle je me raccroche quand je regagne le camp, arrachant des aiguilles et des branches au passage, du bois d’allumage. Soudain, je tombe sur le jackpot, un bouleau mort encore sur pied, gris et dépourvu d’écorce, ses branches n’attendent que moi. Je rassemble de quoi construire un feu, réchauffer la froidure cosmique, éclairer la pénombre d’une petite lueur. Bientôt, il y aura la gamelle, le café. Mais pour l’instant, seule la perspective de cette petite lueur me retient à la planète.

Parc provincial Quetico, Ontario, Canada

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)
Coup de cœur

 

 

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