La cour des mirages – Benjamin Dierstein

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – Les Arènes
Genres :
Enquête policière, roman noir
Personnages principaux :
Laurence Verhaeghen, commandante de police à Paris – Gabriel Prigent, capitaine de police à Paris

Gabriel Prigent était un policier brillant et un héros pour l’opinion publique après avoir sauvé une jeune fille et éliminé des hommes qui méritaient de l’être. C’était avant la disparition de sa fille Juliette. Aujourd’hui, il se retrouve seul après un long séjour en hôpital psychiatrique, abandonné par son épouse et son autre fille, détesté par ses collègues pour avoir envoyé en prison des flics ripoux. Il est obèse et déprimé. Laurence Verhaegen, elle, s’est impliquée à fond dans son métier, elle est devenue commandante de police, mais pour y arriver elle a foutu en l’air sa vie familiale. Son mari l’a quittée et ses relations avec sa fille sont difficiles. Ces deux personnes vont se retrouver dans le même groupe de la Brigade criminelle de Paris. Ils vont avoir à traiter le meurtre d’un homme politique et de sa famille. L’affaire va prendre une dimension plus importante lorsqu’elle va déboucher sur la découverte de réseaux pédophiles impliquant des hommes politiques et des financiers. Prigent et Verhaeghen vont se lancer à corps perdu dans une enquête difficile et risquée à tous points de vue.

L’auteur nous plonge dans le monde souterrain des réseaux pédophiles organisés. Il faut s’accrocher tellement c’est horrible. Toutes les atrocités qui y sont pratiquées sont décrites sans filtre : enlèvements, séquestrations, viols, tortures, meurtres. Les victimes sont souvent des fillettes dont les plus jeunes ont à peine quatre ans. Les clients sont riches. Assouvir ses fantasmes les plus abjects coûte très cher. Ceux qui y mettent le prix peuvent s’offrir le haut de gamme : des snuff movies, des vidéos avec mort d’enfant. Ces réseaux s’appuient sur l’argent, mais aussi sur la pression d’hommes influents : politiques, financiers experts en évasion fiscale, policiers corrompus. Ces puissantes complicités leur assurent une quasi-impunité.

Les deux protagonistes, Prigent et Verhaeghen, sont des personnes cabossées par la vie, et seules, bien qu’elles soient en relation avec beaucoup de gens et entourées par de nombreux collègues. Ils ont en commun des obsessions : retrouver sa fille Juliette pour Prigent et venger les filles martyrisées pour Verhaeghen. Ce sont des policiers borderline. Parfois ils doutent, parfois ils sont vulnérables, mais rien ne les arrête, surtout pas les limites de la légalité. Bien que dépressif et gavé de médicaments, Prigent s’avère bien plus efficace que ses collègues normaux. Quant à Verhaeghen, elle est imprévisible et fait preuve d’une détermination absolue qui effraie autant ses supérieurs hiérarchiques que ses adversaires. Tous les deux sont dans le plus pur style des héros hard-boiled américains.

L’écriture est parfaitement adaptée au sujet traité. Elle est directe, sans fioritures, proche du langage parlé, dynamique et percutante. Le rythme est trépidant, il n’y a pas de temps morts. Une fois commencé, on a du mal à lâcher ce bouquin.

Ce roman, dur et violent, est éclairant sur l’organisation des réseaux pédocriminels, c’est aussi une critique virulente des compromissions et magouilles politiques. C’est une lecture qui peut être éprouvante pour ceux qui sont sensibles. Les amateurs de romans noirs apprécieront les 840 pages qu’on ne voit pas passer de ce livre poignant et captivant.

Extrait :
Vendredi soir : repérage des individus les plus actifs sur le site, ceux qui produisent et qui vendent les films. Identification de celui qui publie les vidéos Papoose Lovers : Zagreus. Recherches sur internet pour comprendre son pseudo : un dieu grec, fils d’Hadès, littéralement fosse pour la capture d’animaux vivants en ionien, un avatar de Dionysos, identifié dans des rites archaïques pour lesquels de petits animaux étaient démembrés et dévorés crus. Visionnage de vidéos publiées par Zagreus : le logo, toujours le même logo avec un enfant masqué. Plusieurs formules pour le client : des vidéos de commande, essentiellement des viols, un peu de torture, les yeux d’un gamin sur lesquels on déverse du Destop, ses cris effroyables que j’entends encore résonner dans mon crâne en écho. Et puis le pire, le haut de gamme : des snuff movies, des vidéos avec mort d’enfant, trente mille euros sur commande, bradés quinze mille euros pour certains clients.

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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