Le Grand Monde – Pierre Lemaitre

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – Calmann-Lévy
Genres :
Aventures, saga familiale
Personnages principaux :
Les membres de la famille Pelletier

La famille Pelletier possède une savonnerie à Beyrouth, acquise dans les années 1920  par le père Louis qui l’a fait prospérer. Louis et son épouse, Angèle, ont eu quatre enfants qui sont maintenant dispersés : le fils aîné, Jean, dit Bouboule et son épouse Geneviève se sont établis à Paris ainsi que François, qui est apprenti journaliste. Étienne est parti au Vietnam, à Saigon, pour retrouver son amour Raymond qui s’est engagé dans la Légion étrangère. La fille Hélène n’est pas encore partie de la maison familiale en mars 1948, mais elle en rêve.

L’auteur nous décrit la vie plutôt agitée des membres de la famille Pelletier durant les six mois de l’année 1948, de mars à octobre. L’action se développe essentiellement dans trois lieux : Beyrouth, Paris, Saigon. En utilisant de nombreux personnages et en répartissant l’action sur trois endroits du globe, Lemaitre construit avec beaucoup de maîtrise une intrigue consistante.

Les personnages sont finement observés, ils sont dépeints avec ironie et humour. Certains nous réservent de sacrées surprises. Louis, le père, est un homme débonnaire, très fier de sa savonnerie, il en a fait un fleuron de l’industrie libanaise – Angèle, la mère, reste dans l’ombre de son mari, mais c’est elle qui veille sur toute la famille. Elle sait prendre des initiatives quand elle le juge nécessaire – Jean, Bouboule, le fils aîné rate tout ce qu’il entreprend. Il est sous la férule de Geneviève, son impitoyable épouse qui ne manque pas une occasion de l’humilier – François est un apprenti journaliste opportuniste qui trouve rapidement sa place dans son journal, mais il lui faudra avaler quelques couleuvres dans son apprentissage – Étienne est follement amoureux de Raymond qui s’est engagé dans la Légion avant de partir faire la guerre d’Indochine. Étienne part pour Saigon, espérant retrouver son amant dont il n’a plus de nouvelles. La petite dernière, Hélène, est incontrôlable, elle a des désirs d’émancipation, mais n’a pas les moyens de les réaliser, heureusement que papa est là pour la tirer d’une mauvaise situation. Le chat Joseph, imperturbable, observe tout du haut d’un gros réfrigérateur américain.

Des détails pittoresques de l’histoire sont aussi évoqués, notamment, dans la guerre d’Indochine, le trafic des piastres qui a permis à beaucoup de gens de s’enrichir et au Viêt-minh de financer la guerre sur le dos du gouvernement français.

Malgré toutes ces qualités, je dois avouer que j’ai eu du mal à entrer dans ce roman. C’est seulement dans le dernier quart du livre que j’ai été vraiment intéressé par cette histoire, au moment où le rythme s’accélère, que les rebondissements se succèdent et que la saga familiale devient roman d’aventures. Je crois que les raisons pour lesquelles je suis souvent resté en dehors des péripéties de la famille Pelletier tiennent au fait que je n’ai ressenti aucune proximité pour les personnages. Ces derniers sont sympathiques, énervants ou pathétiques, mais jamais proches et pas vraiment attachants. Et aussi cette impression que ce roman est parfaitement maîtrisé, qu’il est très bien réalisé, mais que ça manque de profondeur, de sang, de tripes. La technique est parfaite, mais il y a un manque d’émotion et d’âme qui m’a laissé en dehors de cette histoire. J’ai avancé lentement dans la lecture de ce livre, n’arrivant pas réellement à accrocher à l’intrigue. Pendant les trois quarts du livre je me suis réellement ennuyé. Les 590 pages m’ont paru bien longues et le roman décevant par rapport aux autres ouvrages de cet auteur que j’apprécie.

La quatrième de couverture qui présente le livre m’a paru assez irritante. C’est une énumération hétéroclite d’éléments qu’on trouve dans le roman, façon inventaire à la Prévert, qui ne dit pas grand-chose sur le contenu de l’œuvre : « la famille Pelletier, trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique … » La facilité du procédé semble avoir plu à l’éditeur qui l’a reconduit dans le deuxième tome de la trilogie : Le Silence et la Colère. Le troisième volet suivra probablement la même méthode économique qui évite de devoir faire des phrases, un comble pour une œuvre littéraire.

Ce premier tome de la nouvelle trilogie de Lemaitre a été salué par la critique professionnelle, mais pour ma part je n’ai pas été emballé par ce roman, tout en reconnaissant l’excellence de la technique du conteur qu’est Pierre Lemaitre.

Extrait :
Il régnait un silence étrange. Ce n’était plus un agent des services de renseignement qui leur assenait un récit abracadabrant en les menaçant des foudres de la justice, c’était leur histoire que leur père racontait, leur origine. Chacun écoutait et voyait se dérouler un roman auquel, chez quelqu’un d’autre, ils n’auraient pas cru, avec des personnages dont ils connaissaient le physique, mais pas le rôle.

Le plus secrètement satisfait était sans doute Jean. Son père étalait aux yeux de tous une affaire honteuse, c’était son tour, ça faisait du bien d’entendre ça.

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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