Jour encore, nuit à nouveau – Tristan Saule

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – Le Quartanier
Genres :
Huis clos, roman noir
Personnage principal :
Loïc, confiné volontaire

Loïc était ouvrier dans une usine de tôlerie fine où il faisait de la tôle comme il aimait le dire. Ça consistait à manipuler des plieuses, des soudeuses, des pointeuses pour fabriquer toutes sortes d’équipements en tôle. Mais en mars 2020, c’est le confinement sanitaire lié à la pandémie de Covid-19. L’usine ferme, Loïc s’enferme. Il se terre dans son petit appartement et n’en sort plus. Il surveille la vie du quartier par ses fenêtres. Pour mieux voir, il utilise la lunette grossissante de visée d’une carabine 22 long rifle. Même après le déconfinement, il reste cloîtré chez lui à observer la place carrée en face chez lui et il écrit une pièce de théâtre : Les aventures de Clic et Cloque. Il est ravitaillé par sa sœur Nini, qui l’exhorte à sortir. Mais rien n’y fait, Loïc a trop peur du virus. Il s’enferme dans tous les sens du terme : dans son logement et dans sa tête.

L’intrigue de ce roman étonnant est d’une rare simplicité : la vie d’un homme enfermé chez lui qui observe l’extérieur. A priori, rien de très excitant. Mais l’auteur utilise ce huis clos d’une façon subtile qui fait qu’il se passe beaucoup de choses, surtout dans la tête du personnage principal. L’auteur décrit la progression inexorable de la paranoïa qui s’est emparée de Loïc. De la simple peur du virus, il glisse de façon inéluctable vers le délire. Tristin Saule nous plonge dans la tête torturée du confiné : il montre la frustration, la rancœur qui s’installe, la confusion et le glissement irrésistible vers la folie. C’est réalisé de façon remarquable grâce à une écriture imagée.

Même si la plus grande partie du livre décrit l’enfermement, ce n’est pas le seul sujet du roman. L’auteur nous décrit aussi la vie dans la cité ouvrière où habite Loïc, le mélange et la diversité des populations présentes, l’atelier de théâtre animé par Ali, un admirateur de l’architecte Jean Walter. Et les filles, avec qui Loïc à des problèmes. Il n’ose rien tenter avec elles depuis que sa sœur Nini lui à maintes reprises répété : « N’embête pas les filles, hein, Lolo ». Faute de vraie relation, Loïc entretient une relation virtuelle avec Elora Silva, une influenceuse star qui a des millions d’admirateurs sur le réseau Instagram.

En fin de lecture de ce roman, on est admiratif du parti qu’a su tirer l’auteur de la dérive paranoïaque d’un pauvre homme, naïf, fragile et un peu simplet que la crise du Covid a fait sortir de la stabilité qu’il avait réussi à trouver. Livre étonnant et vraiment original.

Jour encore, nuit à nouveau est le troisième volet des Chroniques de la place carrée. Je n’ai pas lu les deux premiers, cela ne m’a pas gêné pour apprécier ce dernier volume.

Extrait :
Certains racontent que l’épidémie se propage bien plus vite qu’on ne l’imagine, que les personnes qui tombent malades ne représentent qu’un pourcentage infime des infectés. Loïc se demande si l’apparente absence de symptômes ne dissimule pas une modification profonde de l’organisme, de l’intellect. Dehors, derrière la fenêtre, derrière la porte, des millions de personnes changent. Elles sourient moins. Elles comprennent moins leurs proches. Elles ne s’en préoccupent plus. Elles les ignorent. Elles les méprisent. Elles ne les appellent plus. Comme Nini.

Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

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