Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2021 (Razorblade Tears)
Date de publication française : 2023 – Sonatine
Traduction (américain) : Pierre Szczeciner
Genres : Thiller, roman noir
Personnages principaux : Ike Randolph et Buddy Lee Jenkins, pères de fils homosexuels mariés l’un à l’autre
Ike Randolf est un grand noir baraqué. Sorti de prison, il a travaillé dur et a réussi à monter une société de jardinage qui prospère. Buddy Lee Jenkins est un blanc maigrichon, dégingandé, alcoolique et chômeur, il vit dans un mobile home. Ces deux hommes n’ont pas grand-chose en commun si ce n’est d’avoir tous les deux fait quelques années de prison et d’avoir leurs fils, homosexuels, mariés ensemble, et récemment assassinés. Ils font connaissance au cimetière, devant les cercueils. Maintenant, ils regrettent amèrement de ne pas avoir su les comprendre et de les avoir mal aimés. Ce sentiment de culpabilité attise leur colère, d’autant plus que la police n’a aucune piste concernant les coupables. Alors, Buddy Lee fait une proposition à Ike.
Les gros durs que sont Ike et Buddy Lee, ex-taulards au passé tumultueux, n’ont pas accepté de bon cœur que leur fils soit homosexuel et qu’il se marie à un autre homme. La mort de leur enfant provoque chez eux de la culpabilité et de la frustration. Culpabilité de ne pas avoir su accepter leur fils tel qu’il l’était et frustration de ne plus pouvoir se racheter en devenant un bon père, aimant et protecteur. Quand Buddy Lee vient voir Ike pour lui faire une proposition, Ike, maintenant responsable de famille et d’une société qui fait vivre quinze employés, refuse. Mais Buddy Lee, aussi cynique que malin, trouve un moyen pour le convaincre. Les deux hommes, très dissemblables, vont former une équipe qui va se révéler bien plus efficace que la police pour remonter la piste des assassins.
Les deux protagonistes, Ike et Buddy Lee, sont dans la tradition des héros hard-boiled américains. Ils se sont endurcis en prison, ils ne sont pas facilement impressionnables, ils savent se battre, ils encaissent beaucoup, mais ne renoncent jamais. Ils sont désenchantés et insolents (surtout Buddy Lee), mais ils savent aussi reconnaître leurs manquements et leurs faiblesses et ils vont apprendre la tolérance, un peu trop tard. Cette association de circonstance, entre deux hommes frappés par le même malheur, va évoluer en une amitié sincère.
L’intrigue, relativement simple, mais bien élaborée, montre, outre les investigations des deux pères, le racisme et l’homophobie d’une partie de la société américaine.
L’écriture est très visuelle. Ce roman ferait probablement un bon support pour une adaptation cinématographique.
La Colère est un roman noir, violent, explosif (à prendre au sens propre). Rythmé, plein d’action et de suspense, il ménage aussi des moments d’émotion. S’il y a beaucoup de morts dans ce roman, il y a aussi une profonde humanité.
Extrait :
« C’est bien ce que je pensais, reprit Tangerine. Tu sais, si je vous ai aidés, c’est seulement pour récupérer Arianna. Pour le reste, je préfère ne pas imaginer les conséquences.
– Tu as bien raison.
– Vous avez un truc secret, pour tuer des gens et faire comme si de rien n’était ? À la maison, je vous ai vus enjamber le corps de ma mère et tirer dans le tas sans vous poser de questions. Ça n’a pas eu l’air de vous perturber le moins du monde. Moi, je me sens tellement coupable par rapport à ma mère, à Isiah et à Derek que je n’arrive même plus à manger. Je ne dors plus. Je sursaute au moindre bruit. Je me mets à pleurer sans raison. Mais Buddy Lee et toi, non. Vous continuez à avancer, comme deux requins.
– Les gens comme Isiah, Derek et ta maman ne méritaient pas de mourir. Et les gens qui les ont tués ne méritent pas de vivre. Je sais pas pour Buddy Lee, mais moi, c’est cette logique qui me permet de continuer à avancer.
– La vengeance, donc, résuma Tangerine.
– Non, rétorqua Ike avec un petit sourire triste. La haine. On a tendance à voir la vengeance comme quelque chose de noble, de légitime, mais en vérité, c’est juste de la haine déguisée. »
Niveau de satisfaction : 
(4,4 / 5)
