Minuit moins une – Sébastien Le Jean

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2022 (Gallimard, Folio Policier)
Genres :
Thriller, enquête, écologie
Personnage principal :
Ronan Sénéchal (Paris) – Irina Kowalski (Lyon)

Dans plusieurs pays, la plus grande partie de la population meurt de faim; d’autres subissent tornades et inondations; au Nord, les glaciers fondent; ailleurs, la chaleur favorise les feux de forêt. La solidarité se manifeste, comme cette centaine de pompiers français qui viennent combattre les feux de forêt au Québec. Pas surprenant que ces désastres écologiques, favorisés par l’imprudence ou l’indifférence, deviennent objets de romans. On l’a vu récemment avec Rien de J.-J. Pelletier; on le voit aujourd’hui avec le très bon Minuit moins une de Sébastien Le Jean[1] .

Dans la banlieue parisienne, le PDG du plus grand groupe automobile français (François Dampierre) est assassiné dans une résidence pour millionnaires, réputée invulnérable. Cette Résidence a été construite pour qu’en profitent des gens riches et célèbres quand adviendront les jours sombres, l’effondrement du monde que nous détruisons jour après jour. Le meurtre est d’ailleurs signé par un message écologique menaçant les pollueurs.

Près de Lyon, on découvre un cadavre passablement torturé dans les eaux d’un étang; il s’agit du jeune Nicolas Marlot, étudiant en BTS gestion et protection de la nature, qui s’était radicalisé en lisant le livre de Viktor Kieffer, Se préparer à l’effondrement; on apprendra qu’il avait fait partie des Sentinelles, un escadron de choc violent formé par Ludovic Hoffmann, un ancien policier d’élite, à partir des meilleurs élèves de son école Agogé, créée pour former des survivalistes efficaces. Pourquoi avait-on torturé Marlot ?

Les polices de Paris (Ronan, David, Samia) et de Lyon (Irina, Alexandre) ont commencé à collaborer quand il a semblé que les deux assassinats étaient liés. D’une part, les gendarmes doivent combattre leurs démons personnels (Ronan est un cas grave de maniaco-dépression; Irina est un électron libre); d’autre part, leur adversaire est de taille (en plus de Hoffmann, il faut compter avec Élie Rohr, brillant ingénieur qui a fondé le groupe Prometheus; et Sariak qui gère l’entreprise Cosmos aux ressources illimitées). Le Procureur et les autorités politiques n’apprécient guère que la police tourne autour de ces riches entrepreneurs. La catastrophe promise par Hoffmann (le projet Rainmaker) risque donc de devenir inévitable. De fait, la neutralisation de Rohr et de Hoffmann coûtera une partie de la ville de Lyon, le désespoir de Ronan et les vacances quasi forcées d’Irina qui, après cette lutte sauvage et épuisante, sut enfin apprécier la vie : « souffrir, aimer, pleurer, jouir, vivre », car « même si notre avenir collectif était sombre, il méritait que l’on se batte pour lui ».

Le roman de Pelletier n’était pas mauvais; mais la force de Minuit moins une, c’est que l’auteur décrit les premiers effets de la catastrophe imminente sur la population. En ce sens, la scène du déluge dans le métro est particulièrement saisissante. Au moins deux atouts importants de l’auteur : beaucoup d’imagination, sans doute, mais aussi une description si précise de la situation qu’elle devient crédible.

Bref, un premier roman réussi.

[1] Ce premier roman de Sébastien Le Jean s’appelait au départ Le grand effondrement. Il a été chroniqué par mon collègue le 26 août 2022.

Extrait :
Ce que disait Sariak semblait difficile à croire tant cela ressemblait à un discours de grand méchant dans un James Bond :
« Le dérèglement climatique est le plus grand danger pour l’avenir de l’humanité. Toutes les actions menées aujourd’hui sont insuffisantes et ne changeront en rien la trajectoire. La seule solution pour éviter des dommages irréversibles sur la biosphère serait un effondrement rapide et radical du système actuel, qui est à l’origine de ce dérèglement. Ensuite, nous pourrions mener le projet le plus ambitieux de l’humanité depuis l’invention de l’agriculture : une reconstruction générale du monde, pilotée par une géo-ingénierie absolue. La Terre, ainsi que tout ce qu’elle contient, écosystèmes et organismes humains et non-humains, peut et doit être réformée. Notre devoir est de régénérer une Terre post-naturelle, une Terre 2.0 si vous préférez ».

Lyon

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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