Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023
– La Manufacture de livres
Genre : roman noir
Personnages principaux : Sarah, Fred, Lorna, Marc et Alessandro, habitants d’une zone radioactive
La centrale a explosé. Les habitants ont quitté cette région polluée, la zone a été condamnée. Certains n’ont pas voulu partir, ils sont une vingtaine à être restés sur cette terre irradiée, dont un petit groupe de cinq personnes. Deux couples, Sarah et Fred, Lorna et Marc, et un célibataire, Alessandro, sont devenus inséparables. La fille de Sarah et Fred est morte et enterrée en ce lieu, raison pour laquelle il n’est pas question pour Sarah de partir, elle doit rester auprès de sa fille. Rien ne pourra l’en dissuader. La vie, difficile dans ces conditions, s’organise quand même et le groupe retrouve une existence presque normale. Jusqu’à ce que Sarah soit enceinte et accouche d’une petite fille. Un bébé dans cette situation c’est de la folie, il faut partir, c’est ce que pense la majorité du groupe, sauf Sarah. Des tensions apparaissent dans l’équipe jusqu’ici très soudée.
L’auteur nous décrit d’abord ce qui ressemble à une vie paisible et agréable, mais l’environnement est hostile. La bande des cinq s’est organisée, elle a récupéré ce que les gens qui ont fui ont laissé : des vêtements, des placards entiers de vivres, des médicaments et même quelques bonnes bouteilles. Sans faire la fine bouche sur les dates de péremption, ils ont trois ans de provisions devant eux. D’ailleurs trois ans, c’est leur horizon : dans trois ans, à coup sûr nos corps auront morflé, mais d’ici là on aura profité, entre amis, dit l’un d’eux. Une vie presque heureuse si ce n’est qu’il faut toujours être vigilant, se protéger, la terre est dangereuse, traîtresse. La combinaison, le masque, les gants sont nécessaires à l’extérieur.
Quand la vie reprend ses droits, l’homme et la femme retrouvent leurs instincts : instinct de survie, de groupe, mais aussi instinct sexuel. C’est ainsi que Sarah se retrouve enceinte et qu’elle donne la vie à une petite fille. L’arrivée de ce bébé va tout changer.
La nature inhospitalière malgré sa beauté, avive la solidarité entre les gens. Cette solidarité s’exerce non seulement entre les membres du clan des cinq, mais aussi envers le groupe d’Ouzbeks venu s’installer à proximité. Une mini-société est ainsi créée. Les personnages sont des modèles de compréhension et d’empathie. À croire que l’environnement difficile rend les gens meilleurs qu’ils ne le seraient dans un milieu normal.
Beaucoup d’humanité et de bons sentiments dans ce roman, mais nous ne sommes pas dans un monde de bisounours, la souffrance et la tragédie sont aussi présentes. Les Terres animales est un roman émouvant et plein de sensibilité.
Extrait :
Trois ans, c’est notre horizon. On ne le dépasse jamais. Tout ce qu’on vit, tout ce qu’on imagine se borne à trois ans. Notre stock de nourriture, on fait de notre mieux pour qu’il tienne jusque-là, et c’est vrai aussi pour le carburant, les médicaments, et ce qui nous aide encore à vivre : les piles, les bougies, les allumettes, tous ces adjuvants à l’existence, dont on pourra bien sûr se passer, mais dont on imagine mal la fin. Peu de choses vont au-delà. Nos disques, et encore il faudra pouvoir les jouer. Nos livres, il y en a tant. Même en lisant comme des brutes, aucune chance qu’on n’en ait jamais fait le tour. Presque frustrant.
Cette barrière nous est rentrée dans la tête comme s’il s’agissait de ne pas en faire trop. De ne pas s’effrayer trop vite. Trois ans, c’est énorme, il peut s’y passer tant de choses. C’est beaucoup de soirées, de coups à boire, et de matches de foot. Cela nous semble déjà très satisfaisant, un bon deal. Dans trois ans, le village des vieux aura moitié moins d’habitants. Dans trois ans, à coup sûr nos corps auront morflé, mais d’ici là on aura profité, entre amis.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)