Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2022 (Saint-Jean Éd.)
Genre : Enquête
Personnages principaux : sergent Antoine Déry et sergente Emma Teasdale
Dans un roman d’enquête, pour éviter la lourdeur et la banalité d’une suite d’interrogatoires, l’auteur s’arrange habituellement pour intercaler quelques intrigues secondaires, multiplier quelques apparents mystères ou prêter à l’enquêteur des qualités rares ou une personnalité captivante. Rien de tel chez Morrissette, qui semble vouloir relever le défi d’intéresser le lecteur avec une succession d’interrogatoires qui, pour la plupart, ne mènent pas à grand-chose, et en mettant en scène deux inspecteurs bien ordinaires. Dans mon cas, ça n’a pas tellement marché et je me suis plutôt ennuyé, comme ce fut le cas dans les deux romans précédents, alors que, il y a une dizaine d’années, je considérais Morrissette comme un de nos plus grands écrivains de polars québécois.
L’action se passe dans un ranch isolé de la région de Varennes. On découvre le cadavre d’un homme dans une stalle : Pascal Gauthier, ex-champion de reining, discipline de compétition d’équitation de western où le cheval est dressé pour accomplir certaines figures (cercles grands et petits, rapides et lents, changements de pied, pivots rapides, arrêts nets), alors que les rênes du cavalier sont tenues d’une seule main et sans tension. Il s’occupait de conseiller les cavalières qui confiaient leur cheval à ce ranch, donnait un coup de main pour dresser les chevaux et, selon les rumeurs, aimait bien également passer du temps avec quelques jeunes écuyères.
Les enquêteurs appliquent la méthode : « On va parler avec tout le monde jusqu’à tant qu’on trouve qui a fait ça ». Ça implique beaucoup de monde et le lecteur est un peu perdu d’autant plus que l’auteur appelle chaque témoin tantôt par son prénom et tantôt par son nom de famille. Chacun a quelque chose à cacher et on n’en finit plus de vérifier les alibis. Les policiers ne manifestent pas de qualités particulières : Emma, plus nuancée, calme l’impulsivité d’Antoine, souvent irrité par une réponse qu’il ne désirait pas ou fasciné par une paire de fesses.
On est presque rendu à interroger les chevaux lorsqu’on découvre, plutôt par hasard, un élément qui livrera la solution aux policiers.
Extrait :
Être enquêteur, c’est comme peinturer, explique Déry. Y a des bouts qui vont vite, d’autres qui sont plus durs. Et t’es obligé de passer partout. Tout le monde finit par parler, tôt ou tard, rappela-t-il d’un ton désinvolte. À un certain moment, il reste une, deux personnes de suspectes. Et là, on ne les lâche plus. C’est pas comme ce que vous voyez dans les films. Comme là, en ce moment, y a peut-être une de vous trois qui sait quelque chose et qui me l’a pas dit.
Les femmes se regardèrent, suspicieuses, pendant quelques secondes, avant d’éclater de rire. Heureusement que la conjointe de Gauthier n’était pas dans les parages, elle aurait sans doute passé le tracteur en plein centre de la table. Antoine ne riait pas. Il profitait certainement du moment pour se rincer l’œil, mais il avait surtout l’intention de délier les langues.
Niveau de satisfaction :
(3 / 5)