Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023 – Éditions Dalva
Genres : dystopie, roman noir
Personnage principal : Zoé, mère d’un garçon disparu
Zoé et Thomas étaient mariés, ils avaient un fils Nathan. Un jour Nathan a disparu, alors qu’il était sous la surveillance de sa mère. Zoé l’a quitté des yeux à peine quelques minutes lorsqu’elle était occupée à peindre la coque de son bateau. La police a enquêté sans résultat. Les parents ont continué la recherche pendant des mois, sans retrouver l’enfant. Le couple n’a pas résisté à ce drame, Thomas s’est installé en France alors que Zoé est restée dans la marina qu’ils occupaient à Deschênes dans la province du Québec. Six ans après, Thomas est de retour au Québec, pour régler les formalités après le décès de son père. Il ne peut s’empêcher de se demander si chaque garçon d’une dizaine d’années qu’il aperçoit ne serait pas son fils et d’être irrésistiblement attiré vers la marina de Deschênes. Pourtant Zoé et Thomas sont devenus chacun pour l’autre non seulement des inconnus, mais des personnes hostiles, se rejetant la responsabilité du drame. Ils oscillent en permanence entre attirance réciproque et répulsion.
Le cadre de ce roman est le Québec, entre Gatineau et Ottawa, le long de la rivière des Outaouais, qui sépare le Québec et l’Ontario. Nous sommes en 2030, tout a changé. Les tempêtes, les inondations et la canicule se succèdent, le changement climatique s’est accéléré. Les États-Unis ont été dévastés par la guerre civile et le dérèglement du climat. Les Américains se réfugient en masse au Canada qui ne peut pas faire face à un tel afflux de migrants. Le gouvernement a décidé d’envoyer en Alaska tous les Américains qui ont réussi à migrer au Canada. Un mur a été érigé entre le Canada et l’Alaska pour qu’ils ne s’échappent pas, une fois qu’ils seront bouclés là-bas. Des gamins qui ont perdu leurs parents se sont réfugiés dans les forêts, se sont regroupés, ont appris à chasser, pêcher, cueillir, voler et tuer. Ces enfants perdus, en bandes plus ou moins organisées, sont imprévisibles, instables et souvent dangereux.
Zoé est née d’une mère algonquine et d’un père descendant français. Elle fonctionne à l’instinct, ce qui lui permet de sentir les animaux de la forêt avant de les voir, les maladies avant qu’elles surviennent, les orages avant qu’ils éclatent. Zoé sent que son fils n’est pas mort, elle sait qu’il est vivant et rien ne peut la convaincre du contraire, elle continue donc de le chercher. Son drôle de métier lui permet de conjuguer ses recherches et son emploi : elle est chasseuse de prime. Elle est payée par le gouvernement pour capturer des enfants qui vivent dans les forêts et les remettre ensuite aux autorités qui les envoient ensuite dans des pensionnats. En fait, Zoé espère retrouver son fils parmi ces enfants sauvages. Zoé est habitée d’une violence due à sa jeunesse au sein d’une famille dysfonctionnelle, père incestueux, mère alcoolique, sœur intellectuellement déficiente et un frère qui est parti en claquant la porte. Seul, Thomas, son mari, a su lui apporter un peu d’apaisement et de quiétude. C’était avant la disparition de Nathan.
La belle écriture de ce livre, imagée et précise, facilite la lecture et la rend agréable.
Dans une ambiance d’un monde en train de s’écrouler, l’histoire d’une mère qui cherche obstinément à retrouver son enfant disparu il y a six ans nous tient en haleine tout au long de ce beau roman.
Extrait :
Il y avait quelques centaines de milliers de gosses perdus à travers le pays. Les gouvernements, Canada et Québec, essayaient de les disperser, car il était dangereux de les laisser survivre en bandes. Les flics ne suffisant pas, ils embauchaient des chasseurs de primes. Qui les remettaient aux autorités.
— Des chasseurs de primes ! Bon Dieu, on se croirait dans un vieux Sergio Leone. Et tu trouves ça normal ?
— Non, je ne trouve pas ça normal, je t’explique. Pourquoi le gouvernement en est arrivé à employer des gens comme Zoé.
Thomas secoua la tête.
— Comme au bon vieux temps, hein. Les chasser et les vendre. Comme des bêtes. L’histoire bégaye. C’est dégueulasse. Elle les vend et ils les collent dans des pensionnats, comme les autochtones au siècle passé. Comme sa propre mère ! C’est juste monstrueux. Est-ce qu’on leur apprend le français de force, dans les pensionnats ?
— C’est probable.
Niveau de satisfaction :
(4,4 / 5)