Un sang d’encre – Vincent Ejarque

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale :
2023 – Éditions Ramsay
Genres : Enquête, roman noir, historique
Personnage principal :
Cadalen, journaliste

Cadalen, journaliste à Paris, est prévenu qu’un de ses anciens compagnons de l’armée est mort. Il se rend à son enterrement dans le Ségala[1], région de son enfance qu’il a quittée il y a vingt ans. Le rédacteur en chef du journal local lui propose d’enquêter sur le drame qui vient de se produire, le meurtre d’une famille du coin : la mère, ses deux enfants et sa sœur. Le père, lui, a disparu. On retrouvera son cadavre un peu plus tard dans une grotte, la moitié du crâne emportée par un coup de fusil de chasse, c’est une exécution. Assisté d’un reporter photographe énervant mais débrouillard, Cadalen se lance dans une enquête compliquée dans le contexte local marqué par les répercussions de la guerre d’Algérie et la présence de nombreux Maghrébins.

L’action se situe en 1983. La France est alors gouvernée par les socialistes, François Mitterrand est président de la République, le Front National commence à enregistrer des succès électoraux. Ce contexte politique est très prégnant dans ce roman. Aussi quand un ouvrier maghrébin de l’usine la Française de mécanique automobile est arrêté, soupçonné d’être l’auteur des meurtres, Cadalen flaire le coup monté, il continue ses investigations qui vont l’amener à fréquenter l’élite locale. Sa curiosité ne plaît pas à tout le monde et on lui fait savoir : des menaces, puis des agressions ont pour but de le dissuader de fouiller là où il ne faut pas. Bien sûr cela ne décourage pas le journaliste tenace qu’est Cadalen, mais l’enquête devient de plus en plus dangereuse pour lui.

Il est beaucoup question de guerre d’Algérie dans ce livre. Cadalen a été soldat pendant cette guerre et il a vécu des épisodes atroces qui l’ont marqué pour toujours. Il fait fréquemment des cauchemars qui le ramènent vers ce passé douloureux. Il y a aussi un camp de harkis dans la région, des gens y vivent dans des baraquements, dans des conditions indignes. C’est un des leurs qui fait un coupable idéal pour le meurtre de la famille. La politique tient aussi un rôle important. L’auteur fait de nombreux apartés concernant la reconversion des anciens de l’OAS[2] et la montée des idées de l’extrême droite. Il décrit aussi comment les usines sont allées chercher dans le Maghreb une main-d’œuvre bon marché qui explique la forte densité des immigrés dans la région et les réactions xénophobes de la population locale.

Un sang d’encre est un roman dense avec en arrière-fond la guerre d’Algérie. Il recrée parfaitement l’ambiance des années 1980 dans une région frappée par la crise économique et une forte immigration, ce qui n’a pas empêché certains notables d’en profiter pour s’enrichir sans vergogne. C’est un bon polar, inspiré de faits réels, qui sonne juste.

[1] Le Ségala se situe dans la région Occitanie, dans les parties ouest et centre-ouest du département de l’Aveyron et dans le nord-est du département du Tarn. (Wikipédia)

[2] L’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) est une organisation terroriste clandestine française proche de l’extrême droite créée le 11 février 1961 pour la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris le terrorisme à grande échelle. (Wikipédia)

Extrait :
L’époque change. Il faut voir grand. Et, puisque les hommes au pouvoir dans notre pays ne sont plus aussi opposés qu’ils ont pu l’être aux forces de l’argent, il est temps d’entreprendre. On liquide l’industrie, on ferme les usines, on veut renvoyer les Arabes chez eux… Nous sommes entrés dans l’ère des marchands. Les alliés de circonstances auxquels on prêtait autrefois serment sont devenus des partenaires d’opportunité, les ennemis sont devenus des clients. En ce sens, maître, votre engagement politique n’est qu’une façade. Vous êtes bêtement de droite car vous estimez que c’est bon pour les affaires. Alors que certains de vos proches, comme votre ami socialiste, nous prouvent qu’on peut se prétendre de gauche et s’enrichir sans vergogne. C’est bien la preuve que, ce qui sépare les hommes, ce ne sont pas les idéaux mais la richesse.

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

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