Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2024 (Druide)
Genre : Thriller
Personnage principal : Cécile Larrivée, fiscaliste
Brigitte Alepin est surtout connue au Québec comme fiscaliste : 35 ans d’expérience après une formation à Harvard. Elle a déjà écrit deux ouvrages spécialisés, Ces riches qui ne paient pas d’impôt et La crise fiscale qui vient. Avec L’Alerte, elle passe au thriller.
Nous sommes en octobre 2035 et le Québec est indépendant depuis un an. Au poste de premier ministre se retrouve le millionnaire Éloi Laliberté, qui lutte depuis une trentaine d’années pour la souveraineté du Québec avec son amie Cécile Larrivée qui est devenue sa conseillère financière. Pour attirer les compagnies étrangères (et conserver nos propres compagnies), le Québec est devenu un paradis fiscal : ces compagnies ne payent pas d’impôt. Après un an de ce régime, le budget du Québec est peu reluisant et une réforme s’impose. Laliberté crée une Fondation et éponge les dettes du nouveau pays avec son argent (tout en retirant un crédit d’impôt respectable) et cette Fondation devient propriétaire de tout ce qui regarde la santé et l’éducation. On crée également l’Alliance, qui regrouperait d’autres nouveaux pays (la Casamance au Sénégal, la Catalogne, éventuellement l’Écosse…), où des millionnaires transformeraient aussi leur nouveau pays en paradis fiscaux et créeraient des Fondations pour s’approprier des plus importants leviers économiques et sociaux.
L’exemple donné par le Québec risque de servir ailleurs : pour équilibrer le budget sans supprimer des postes au sein de l’État, sans réduire le salaire des fonctionnaires et sans augmenter les impôts, Laliberté préconise de laisser mourir les grands malades, les personnes très âgées ou atteintes de maladies dégénératives. Ces personnes, en effet, sont maintenues en vie par l’acharnement médical et par la recherche des profits de l’industrie pharmaceutique. Et ce ne serait là qu’une première phase : bientôt finies les allocations pour toutes les sortes de personnes qui ne travaillent pas.
En procédant tranquillement et en faisant disparaître les contestataires éventuels, Laliberté est confiant que la très grande majorité des Québécois(e)s endossera cette nouvelle orientation.
Ce genre de rationalisation ne convient vraiment pas à Cécile. Elle décide donc de fuir le Québec et de révéler, grâce à ses amis journalistes en Grande-Bretagne et en France, le projet Laliberté, c’est-à-dire de sonner l’alerte. Mais ne risque-t-elle pas d’être victime de son zèle ? Et comment se fait-il que le premier ministre soit déjà au courant de sa fuite ? Et qui a enlevé son fils Albert ? Renoncera-t-elle à sonner l’alerte pour récupérer son fils ?
Ce suspense apparaît dans les cinquante dernières pages du roman. Avant, on peut se demander si le père de Cécile, qui a tiré sur le premier ministre, se fera prendre, si Cécile et son mari reprendront leur vie commune, si Cécile se guérira de son alcoolisme et si sa relation avec son fils, qui en a beaucoup souffert, finira par s’améliorer.
L’auteure a su éviter deux défauts : d’abord, une prédication pour ou contre la souveraineté du Québec (Cécile est évidemment pour, mais l’indépendance est déjà faite); puis, un cours de fiscalité qui nous obligerait à lire quelques-uns de la centaine de livres et d’articles qu’elle offre en référence à la fin du livre.
Les réticences qui freinent mon enthousiasme portent sur le personnage principal, Cécile Larrivée : les gens qui n’arrêtent pas de se désoler de toutes les gaffes qu’ils continuent de commettre m’indisposent, et l’alcoolisme n’est pas une excuse valable. Par ailleurs, sa croisade contre ceux qui s’enrichissent aux dépens des autres, bien que juste, est ressassée dans un certain moralisme agaçant et m’a rappelé le slogan des gauchistes d’il y a plus de 50 ans : « Faisons payer les riches ! » Et elle a la larme facile, bien que tout le monde dans son entourage soit beau et gentil. Un véritable thriller s’accommode mal de l’eau de rose.
Extrait :
J’ai déclaré la guerre en lançant cette alerte, le mardi soir du 16 octobre 2035, mais les combats se poursuivront encore pendant des années, aussi longtemps qu’il faudra pour établir la justice fiscale et l’équilibre des pouvoirs et des richesses. À la guerre comme à la guerre. Je suis prête, c’est là mon destin.
Mon mot d’ordre : la vérité avant les mensonges, mes rêves avant la richesse, l’amour avant tout. La peur, je la laisse aux autres.
Niveau de satisfaction :
(3,9 / 5)