Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2021
(Þú sérð mig ekki)
Date de publication française : 2024 – Éditions de La Martinière
Traduction (islandais) : Jean-Christophe Salaün
Genres : Huis clos, thriller
Personnages principaux : Membres du clan Snæberg – Irma, employée de l’hôtel
Pour rendre hommage à leur patriarche qui aurait eu cent ans, les membres de la famille Snæberg ont décidé de se réunir dans un hôtel de luxe isolé au milieu des champs de lave. La totalité de l’hôtel a été réservée pour eux le week-end. Les Snæberg font partie des gens les plus riches et influents d’Islande. L’entreprise créée par le patriarche est devenue un énorme empire qui emploie des centaines de personnes et possède un chiffre d’affaires annuel qui se compte en milliards de couronnes. Quand tous les membres de la famille sont réunis, la fête peut commencer. Elle est copieusement arrosée. L’alcool délie les langues et désinhibe les comportements révélant la nature des gens, sous l’œil très intéressé d’Irma, l’employée de l’hôtel. Alors qu’à l’extérieur le blizzard se lève, à l’intérieur, les incidents se multiplient et les dissensions se font jour. La fête tourne aux révélations embarrassantes et aux règlements de compte.
Ce livre est un roman choral à cinq voix : – celles de trois des membres du clan Snæberg – celle d’Irma, l’employée de l’hôtel et celle d’un policier, car on a retrouvé un cadavre au pied d’une falaise. C’est par les yeux et les voix de ces cinq personnages que nous découvrons l’ensemble du clan Snæberg, ils sont vingt-quatre en tout.
L’intrigue est judicieusement construite de façon que la tension monte progressivement. Au départ les Snæberg sont présentés comme des gens riches et épanouis à qui tout réussit. Puis, lentement, à l’intérieur de chaque famille, de chaque couple, des détails révèlent des malaises : – Petra, architecte d’intérieur à succès, se ronge les ongles jusqu’au sang – Lea, adolescente de 16 ans, fille de Petra, est si seule que son seul véritable ami est un garçon qu’elle n’a jamais vu, rencontré sur les réseaux sociaux et qui vit en Suède – Tryggvi, menuisier, seul d’origine modeste, subit le mépris silencieux des autres – certains luttent contre leur addiction alors que d’autres s’y abandonnent totalement … Bref, l’image de familles fortunées et heureuses s’écorne au fil du récit pour laisser apparaître des frustrations, des déceptions, des rancunes que l’on noie dans l’alcool, les drogues ou les médicaments. Et surtout ce que met en évidence l’autrice, c’est l’égoïsme et l’égocentrisme de ces gens riches. La seule qui semble vivre bien cette réunion familiale est Irma, l’employée de l’hôtel, pourtant elle a énormément de travail mais elle semble fascinée par cette famille.
Le Clan Snæberg un huis clos classique mais intéressant dans lequel l’autrice ménage une montée en tension progressive et un bon suspense. Dans le même genre et avec un thème semblable on peut lire Le silence des noyées de Gabriel Katz.
Extrait :
S’appuyant au dossier de sa chaise, Irma garda le silence un instant. Puis :
– La famille est différente de ce à quoi je m’attendais, beaucoup plus dysfonctionnelle. En les observant tout le week-end, je me suis rendu compte à quel point certains d’entre eux sont brisés. Je savais tout de Lea, mais j’ai été surprise de voir le nombre de moutons noirs qu’abrite cette famille. De voir à quel point ils sont malheureux.
Et ils sont tous tellement égocentriques qu’ils ne m’ont jamais remarquée, ne m’ont jamais vue, alors que j’étais témoin de tout ce qui se passait entre eux. J’ai entendu ce qui est arrivé dans la chambre de Maja et Viktor. J’ai trouvé le vase et le débardeur couvert de sang sous leur lit.
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)