Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2024 (Hugo Jeunesse)
Genre : Thriller
Personnage principal : Seamus O’Finnigan, constable
Hervé Gagnon a une formation d’historien et ça paraît dans la plupart de ses romans, aussi bien ses romans policiers qui se passent à la fin du XIXe siècle (j’ai lu avec plaisir tous les Joseph Laflamme) que ses romans plus ésotériques. C’est le premier roman pour la jeunesse que je lis avec une certaine curiosité : d’abord, qu’est-ce qui caractérise un roman pour la jeunesse ? Puis, quelle est la part de la dimension historique dans ce roman ?
C’est plus facile de dire ce que n’est pas ce roman pour la jeunesse : ce n’est pas un roman à l’eau de rose, ni un roman manqué pour adulte. Gagnon ne travaille pas dans la dentelle; son histoire raconte des événements violents; il fait partie de ceux qui pensent qu’il n’est jamais trop tôt pour prendre conscience que la vie n’est pas un jardin de délices. Ou il se souvient simplement que, adolescent, comme plusieurs autres, il avait déjà constaté que, si la vie est un cadeau, ce cadeau est souvent empoisonné. Quant à la dimension historique, l’action se déroule à Montréal de 1851 jusqu’en juillet 1852 au moment où un incendie gigantesque a ravagé le quart de la ville. Gagnon désigne les principaux bâtiments et on voit les personnages se déplacer dans le faubourg Saint-Laurent. Quelques maisons, en bois à cette époque, notamment celles où demeure le constable O’Finnigan, sont décrites en détail.
Le titre La Cage se réfère à la fameuse cage dans laquelle la Corriveau, condamnée à mort et pendue en 1763, a été exposée et laissée à pourrir. Découverte en 1851 dans un cimetière, cette cage a inspiré plusieurs récits fantastiques. Dans le roman de Gagnon, elle pousse aux crimes ceux et celles qui la frôlent. L’auteur s’inscrit dans la suite des Philippe Aubert de Gaspé, Fréchette et Beaulieu, qui ont exploité ce filon.
O’Finnigan lui-même en sera victime après y avoir été enfermé par Eugénie Lachance qu’il poursuit sans relâche après qu’elle l’eût empoisonné et quasiment tué. Cette poursuite est d’ailleurs le thème du roman. Le policier est physiquement très diminué, mais on le charge quand même de protéger un petit garçon dont la mère (la Dubuc) a tué son mari après avoir été contaminée par la cage. Eugénie, alliée à la Dubuc, les retrouvera et, malgré le soutien de quelques collègues policiers, parviendra presque à éliminer définitivement O’Finnigan.
Le roman, bien construit, se lit tout seul. L’intrigue est moins complexe et les personnages moins nombreux que dans un roman pour adulte, mais rien n’est négligé. Gagnon ne cherche pas à dissimuler la violence du monde dans lequel on vit, mais cette violence peut être combattue par la solidarité des amis et par le courage de ceux qui sont pris pour se battre. L’auteur connaît le métier et sait comment maintenir l’intérêt du lecteur : les méchantes sont vraiment méchantes et le bon, de plus en plus affaibli, finira par atteindra son but, « content d’avoir servi à quelque chose ».
Extrait :
La créature qui se dressait devant O’Finnigan n’avait plus grand-chose d’humain. Même sans l’épaisse fumée, elle aurait été méconnaissable. Son visage ravagé n’était plus qu’une plaie ouverte et suintante. Ses lèvres, son nez, ses paupières et ses oreilles avaient été cruellement mutilées par les flammes. Ses cheveux roussis avaient entièrement disparu du crâne à la chair boursouflée et fendue de blessures purulentes (…). De toute évidence, elle n’avait échappé à la mort dans la rue des Commissaires que par quelque miracle ou par une inflexible volonté nourrie par la folie.
Eugénie Lachance se tenait immobile, les jambes écartées, la tête penchée sur le côté, assurément incapable de la redresser en raison de la peau de son cou qui semblait avoir rétréci. Elle le regardait fixement sans battre des paupières et O’Finnigan eut l’impression que, sur ses lèvres déformées par l’enflure, se formait une obscène imitation de sourire (…).
Dégoûté, O’Finnigan résista à l’envie de reculer. Il était incapable d’éprouver la moindre pitié pour cette fille qui avait empoisonné ses propres parents et combien d’autres innocents encore, qui l’avait réduit à l’état de loque et qui l’avait torturé. Au contraire, il espérait qu’elle avait souffert le martyre et qu’elle en souffrirait encore plusieurs fois avant de crever lentement.
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)