Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2023 (Calmann-Lévy)
Genre : Thriller
Personnage principal : Emma Lindahl, experte en art
C’est probablement la plus suédoise des auteures françaises. Née à Marseille, Gustawsson a vécu à Paris et à Londres, puis a épousé un Suédois et s’est installée près de Stockholm où elle vit maintenant.
Ce roman se passe justement près de Stockholm, sur une petite île tranquille où résident environ 300 habitants, l’île de Storholmen. Un riche manoir a été construit sur cette île où vit maintenant la famille Gussman. On y a convié l’experte évaluatrice Emma Lindahl pour procéder à l’inventaire des biens de la famille, quatrième grande fortune de Suède.
L’île a une mauvaise réputation depuis que, neuf ans plus tôt, on y a découvert le cadavre horriblement mutilé d’une jeune femme. Emma est peu à peu gagnée par cette ambiance oppressante, travaillant plusieurs jours par semaine dans de grandes pièces où elle ne rencontre personne. Le fait qu’on découvre un autre cadavre de jeune femme vidée de son sang dans la mer près du rivage n’améliore pas l’atmosphère.
Le commandant Karl Rosén, qui avait déjà enquêté sans succès sur l’assassinat de Sofia, la première victime, est chargé d’éclaircir le meurtre de la jeune Maria. Troublé par le fait que son épouse Freyja n’est plus là pour l’épauler, il est aidé par Emma qui a fait d’étonnantes découvertes. Ils ne seront pas trop de deux pour élucider ces assassinats qui s’apparentent à des sacrifices.
Presque jusqu’à la fin, j’avais l’impression d’avoir déniché la perle rare parmi les jeunes écrivaines françaises. L’ambiance est bien rendue : les images et les odeurs nous captivent; les personnages, peu nombreux, sont typiques et intéressants; la composition manifeste le plaisir qu’a l’auteure de jouer avec le lecteur. Et c’est écrit avec simplicité et précision.
Malheureusement, la solution de l’énigme implique une sorte d’irrationalité que, comme lecteur de roman policier, je tolère mal. Un peu comme si un extraterrestre avait commis ces meurtres. En lisant un polar, on cherche à découvrir les motifs qui ont conduit aux crimes. Si cette recherche est inutile parce que l’assassin est un malade mental qui n’a pas besoin de motif pour agir, ça devient frustrant. Ici, ce n’est pas tout à fait le cas, sauf que ça s’y apparente un peu trop : il a fallu que la psy explique à Karl les « raisons » de ces meurtres. Par ailleurs, il a aussi fallu qu’Emma soit favorisée par le hasard pour trouver le lieu des mises à mort et que Karl tombe aussi par hasard sur un des deux meurtriers.
Bref, un roman pour ceux qui cherchent à simplement se distraire ou qui raffolent des labyrinthes psychologiques sophistiqués.
Extrait :
Je colle mon visage à la vitre.
C’est là.
Là qu’on a retrouvé « la pendue ».
Là qu’elle a été traînée. Hissée. Accrochée toute nue (…)
Je n’arrive plus à respirer. Je recule brusquement et me heurte à la desserte derrière moi. Je trébuche et m’y retiens pour garder l’équilibre. Le meuble bascule avec son drap, qui ondule (…) Une cascade de bruits métalliques rompt soudain le silence. Je plisse les paupières malgré moi, consciente du drame qui se déroule.
Je les rouvre sur une série de brosses par terre, une à cheveux, deux à habits. La coque en argent s’est détachée de la brosse ronde (…) J’essaie de reloger la partie métallique qui s’est détachée du manche lorsque j’aperçois un bout de papier plié à l’intérieur.
Je le retire par automatisme. Il s’agit d’une note.
Une note dont les mots hérissent mon corps de chair de poule :
AIDEZ-MOI JE SUIS ENFERMÉE ICI
Niveau de satisfaction :
(3,5 / 5)