Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2012 (Fleuve Noir)
Genres : Suspense psychologique – Roman noir
Personnages principaux : Stéphane Lainé et Norah Hepfner jeunes gens amoureux … dans un premier temps
Deux jeunes gens se rencontrent à la sortie d’un bar. Ils se retrouvent les jours suivants. Ils sont amoureux. Ils vont vivre ensemble et avoir 13 années de bonheur. Lui, c’est Stéphane Lainé, représentant en alcools et spiritueux, il arrondit son salaire par des trafics juteux organisés par son patron. Elle, c’est Norah Hepfner, d’origine allemande avec un lourd passé : toute sa famille a péri dans l’incendie de sa maison. Pour mieux connaître le passé de sa femme dont elle parle peu, Stéphane s’inscrit sous le nom de Norah sur un site allemand d’anciens copains d’école. Par ce biais, il va découvrir qu’elle a été mariée à un homme très séduisant dont elle était éperdument amoureuse. Cet homme a péri dans un accident de voiture. Lui-même est le sosie de ce disparu. Une faille terrible va se créer chez ce bon gars sympathique qui va se transformer en un monstre cynique, sadique et destructeur. À partir de ce moment, Stéphane ne supporte plus d’être une coquille vide que l’on aime pour son physique. Une longue descente aux enfers commence.
Le roman est organisé en quatre parties correspondant aux enveloppes que Stéphane adresse à Norah. Ce sont des récits qui retracent les différentes périodes de leur liaison. Tout le livre est centré sur ces deux personnages, et même davantage sur le seul Stéphane qui fait un long monologue. Par contre on ne saura rien de la souffrance et des problèmes de Norah. Ses tourments après une perte si cruelle auraient pu être pris davantage en considération. Stéphane, le narrateur est totalement centré sur sa douleur, il occulte celle de sa maîtresse. Il y a peu de personnages secondaires et ils n’ont que peu de poids dans le récit.
Bien que ce roman soit édité par Fleuve Noir, spécialisé dans le polar, ce livre n’est pas un polar à mon avis. Un couple qui s’aime puis se détruit est un thème qui ne s’adapte pas bien aux codes du polar. Ce roman au beau style littéraire, écrit avec talent, possède le côté introspection de la littérature blanche, mais l’éditeur a du lui trouver une face suffisamment sombre pour le positionner en rayon polar. Peu importe l’étiquette après tout, les frontières entre polars et littérature classique sont de plus en plus minces, seule compte la qualité du livre.
Je n’ai pas vraiment accroché à l’histoire et encore moins aux personnages. Je n’ai pas aimé Stéphane, son côté dépressif et complexé par son enfance. Sa façon de se vautrer dans la souffrance, la sienne et celle qu’il inflige à sa compagne. La spirale dépressive dans laquelle il s’enferme pour se venger de ne pas avoir été aimé pour lui-même. Le jeu sadique dans lequel il se complait. Tous les efforts qu’il déploie pour se détruire et détruire son amour. On a plutôt envie de lui conseiller de se faire soigner plutôt que d’éprouver de la compassion. Mais peut être n’ai-je pas bien saisi toute la subtilité de cette histoire ? Je me dis que si les Éditions Fleuve Noir ont choisi de publier ce roman, ils ont dû lui trouver les qualités que je n’ai pas su apprécier. Le talent de l’auteur, bien réel, n’est pas en cause. Je ne fais que donner mon ressenti de lecteur qui sera peut être partagé par des lecteurs qui n’aiment pas cette complaisance dans le malheur et la souffrance qui atténue fortement le plaisir de la lecture. On apprécie surtout ceux qui se battent, qui luttent dans l’adversité, pas ceux qui font admirer la façon dont ils souffrent. Si vous êtes intéressés vous trouverez facilement sur Internet d’autres avis bien plus favorables que le mien.
Extrait :Aujourd’hui j’ai compris pourquoi elle ne m’avait jamais parlé de ses origines et ça me glace plus encore : en me rencontrant, elle avait rayé son passé. Elle s’était enfermée dans un rêve, sans plus de lien avec le réel et la vie, elle avait réduit tous ses souvenirs à une image et une seule, Kaspar, sous ses yeux grands ouverts : moi. Le reste, tout le reste, avait cessé d’exister, s’était perdu dans une brume noire, opaque et impénétrable, un mélange de mensonges, de fantasmes, et peut-être bien de folie.
J’irai et viendrai, Les bras en croix, fixant la lumière en fredonnant « Place in the sun » …
Stevie Wonder – A Place In The Sun