Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2013 (Fleuve noir)
Genres : Aventures, enquête, thriller
Personnages principaux : Lola, mère de famille, Française – Desmond, professeur à l’université de Chicago, Américain
Juillet 1966 à Narcissa, dans l’Oklahoma, un homme arrive dans une voiture, il a parcouru des milliers de kilomètres, il rentre dans une maison, assassine une femme enceinte et une petite fille, puis il agresse une mère de famille. Desmond, le fils, un jeune garçon d’une dizaine d’années, blesse l’homme à la jambe, d’un coup de hache, avant d’être lui-même poignardé et laissé inconscient. 44 ans plus tard Desmond est devenu professeur de criminologie à l’université de Chicago. Il vient de recevoir le prix Pulitzer. Lors d’une conférence il apprend la mort de son père qui s’est suicidé.
La famille française Lombard fait du tourisme, elle parcourt la mythique Route 66. Pierre Lombard le père de famille disparaît soudainement dans une laverie, pendant ce périple. Trois ans plus tard Lola, sa femme, reçoit un appel téléphonique en provenance de l’Arizona, c’est Pierre son mari. Il va lui faire parvenir un cahier où il retrace l’histoire d’un tueur en série qui aurait tué au fil des ans une cinquantaine de personnes tout le long de la Route 66. N’en croyant pas un mot, Lola part pour Flagstaff retrouver son mari et officialiser une procédure de divorce. Mais elle a un accident dans le parking de l’aéroport de Phoenix, elle est blessée. Desmond qui se trouvait là lui porte secours. De retour en France, Lola crée un blog dans lequel elle met sur Internet les informations contenues dans le cahier qu’elle a reçu de Pierre. Plus tard elle repart aux États-Unis, accompagnée de ses deux enfants, pour essayer, encore une fois, de retrouver son mari en visitant les différents endroits de la Route 66 mentionnés dans le cahier de Pierre. Le blog de Lola intéresse beaucoup Desmond : il y a l’histoire de sa propre famille qui y est retracée et bien d’autres homicides semblables. Lola et Desmond vont se retrouver pour la deuxième fois. Ensemble ils vont remonter la trace du tueur de la Route 66.
L’histoire est basée sur le mythe de la Route 66 qui traverse les États-Unis d’est en ouest, de Chicago à Los Angeles. Elle est aujourd’hui déclassée et ne sert plus que pour le tourisme sous le nom de Historic Route 66. L’auteure a imaginé qu’un tueur en série a commis une cinquantaine de meurtres impunément, sur plusieurs années, tout le long de cette voie. L’intrigue se tiendrait si l’auteure ne faisait un usage abusif des coïncidences extraordinaires. Dans un roman les personnages principaux sont faits pour se rencontrer, mais là on a l’impression qu’à chaque fois c’est un coup de hasard phénoménal qui les fait se retrouver. Ainsi Lola fait une fausse manœuvre dans le parking de l’aéroport de Phoenix, elle est blessée et qui est juste à côté pour la sauver ? Desmond bien sûr ! Autre coïncidence étrange, en plein désert sur la Route 66, sous une pluie battante, un pneu de la voiture de Lola et de ses enfants est crevé. Ils doivent rejoindre le village, le plus proche, c’est Amboy, un bled complètement paumé et devinez avec qui Lola va se retrouver nez à nez ? Avec le tueur en série ! Pas de chance quand même car la Route 66 fait 3940 kilomètres, elle traverse 3 fuseaux horaires et 8 États (d’est en ouest : Illinois, Missouri, Kansas, Oklahoma, Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Californie) et c’est dans ce trou perdu qu’elle se retrouve en compagnie du tueur. Encore plus fort : pendant le changement de roue un écrou est perdu. Un écrou sur un itinéraire de près de 4000 kilomètres, perdu par Lola et retrouvé par Desmond. Magique, non ? Ce coup de magie est d’autant plus superflu qu’il n’apporte rien au déroulement de l’histoire, si ce n’est de montrer la force du destin. Autre motif d’agacement : ce mélange de français et d’anglais non traduit. Tous les titres des différentes parties sont en anglais et chaque chapitre est annoncé en anglais, par un horoscope que je n’ai pas su relier au reste du récit. Un bouquin pour les bilingues uniquement ? Sinon quel est l’intérêt de ce procédé ? Ça fait original ? C’est branché ? Côté positif, l’ambiance de la mythique Route 66 est bien recrée avec ses villages abandonnés, ses ruines, ses snack-bars déglingués et ses endroits désertiques.
C’est un livre qui peut intéresser ceux qui voudraient se plonger dans le rêve américain et découvrir agréablement la Mother Road (mère de toutes les routes) en lisant un polar, c’est mieux que de feuilleter des revues touristiques. La facette polar du roman n’est pas des plus originales ni des mieux construites mais elle peut satisfaire des lecteurs qui se laisseraient prendre par cette histoire de tueur en série dont le champ d’action serait ce parcours légendaire.
Extrait :
Lola approcha une main de la clenche mais elle n’eut pas le temps d’ouvrir la porte. Quelqu’un venait de le faire à sa place. Un homme de l’âge de son père.
— Bonjour la France, fit-il en savonnant les « r ».
Lola eut l’impression qu’une trappe s’ouvrait devant elle : imberbe, David Owens braquait sur elle des yeux brillants. Il se déploya, fantomatique, gagna cinq centimètres.
« La voix sirupeuse de Peggy Lee raviva instantanément la nostalgie du décor. »
Peggy Lee – Black Coffee
La lecture de « L’enfant aux cailloux » m’a beaucoup enthousiasmée, j’ai trouvé la construction redoutablement efficace alors je lirai certainement celui-là.
Il est possible que Black coffee te plaise aussi. Pour ma part plusieurs choses m’ont agacé dans ce bouquin : ce mélange de français et d’anglais qui n’apporte rien et le déroulement de l’intrigue qui fait un usage abusif d’un hasard extraordinaire.